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Publié le 5 Septembre 2014

Que l’on s’en réjouisse ou que l’on le regrette, de très nombreuses organisations sont désormais confrontées à des situations dans lequel le lien hiérarchique n’existe pas. Souvent, cette absence de « chef » désigné donne lieu à des quêtes et manœuvres visant à en instituer un, malgré tout – ou à le devenir. Pourtant, il est à la fois vertueux et efficace de résister à cette « tentation totalitaire » et pratiquer un « leadership partagé ».

Sans lien hiérarchique, il ne reste plus qu’à mieux travailler ensemble !

On nous le répète à l’envie : la France est un pays monarchique, jacobin, centralisé. Il faut bien faire avec. Et si tout va mal, c’est parce qu’on manque d’un « chef », d’un leader dont le « charisme » et l’ « autorité » seront reconnus par tous. Et chacun de se référer à son « grand homme » (ou femme) providentiel(le), seul(e) à même de résoudre toutes nos difficultés.

Bien sûr, on trouve aussi des contre-exemples « révolutionnaires » que l’on s’empresse de porter au pinacle, et la visite ébahie auprès d’organisations « coopératives » semble avoir remplacé la visite initiatique à Saint Chamond de dirigeants désormais soucieux de gommer une étiquette « libérale » - bien que le lien entre le centralisme parisien et le libéralisme par nature décentralisateur soit encore à expliciter…

Mais une fois rentré, on revient bien vite à l’autorité centralisée, aux mécanismes classiques du pouvoir légal et institutionnel.

L’absence de « chef » semble être la maladie de ce temps

Dans beaucoup d’entreprises françaises, on résiste encore à la mise en oeuvre des organisations matricielles, dans lesquelles l’équilibre des pouvoirs cher à la tradition anglo-saxonne prend le pas sur l’omniscience des cartésiens hexagonaux. L’autorité serait « efficace », et les mécanismes de participation ne sont issus que de la contestation sociale – encore une lutte pour le pouvoir – quand ils ne sont pas une facétie de communicants, un effet d’ambiance. Quand il faut diriger, décider, il faut un « chef ». Et si l’organisation n’en a pas établi un, incontestable, les énergies peuvent vite se focaliser sur des luttes pour le « pouvoir ». Et si le monde politique vit à ce titre d’élection en élection, certaines entreprises s’épuisent alors entre attentisme et manœuvres, au détriment de l’attention portée aux clients, aux marchés, à la performance et donc à la pérennité de l’existence commune.

L’absence de « chef » est ainsi dénoncée pour être la maladie de ce temps, et toutes les énergies doivent être mobilisées pour apporter le remède, chasser les contestataires, faire taire les divergences, rétablir l’ordre, la discipline, l’acquiescement. Et tant pis si faute de clients oubliés, de marchés perdus et de talents gâchés, on finit par mourir. Morts mais « soignés ».

Le succès à l’international s’affranchit de l’autoritarisme hexagonal

En termes d’efficacité, il n’est pas certain que la tradition autoritaro-charismatique française soit la plus reconnue. Le « leadership » français reste à prouver sur la scène internationale, au-delà des coups de menton et des sermons moralisateurs, à l’heure des conflits en Ukraine, au Moyen-Orient, en Afrique, et de la tension croissante sur les approvisionnements en ressources stratégiques.

Quant aux entreprises françaises performantes, il semble que leur succès à l’international se soit affranchi de l’autoritarisme hexagonal pour adopter des fonctionnements dans lequel s’épanouissent les talents, et qui s’adaptent à l’instabilité et à l’imprédictibilité naturelles des équilibres stratégiques, de la concurrence mondialisée et de l’innovation technologique.

Pourtant, certains s’opposent aux formes de « leadership partagé » en se drapant dans un nationalisme « culturel ». Cet « équilibre des pouvoirs » serait étranger à la tradition française, et il serait, ou vain, ou détestable, d’adopter un modèle « importé ».

L’ « exception française » est sans doute une réalité dans bien des domaines. Et cela est vrai pour chaque peuple. Mais chaque individu appartient à de multiples cercles d’appartenance, dont la coexistence et l’interaction lui confèrent une identité unique : famille, territoire d’origine ou d’adoption, activité professionnelle et loisirs, tempérament, talents et appétences… Toute approche culturaliste intégrative est à la fois réductrice et totalisante. Voire totalitaire.

L’autoritarisme n’est pas immoral, il est inefficace.

Alors, puisque certains sont en droit de préférer des modèles autoritaires, plutôt que la « chienlit », il n’est ni pertinent, ni utile de condamner l’autoritarisme au regard de critères « moraux ».

Même si le « chef » est à la fois source et production d’une « pensée magique » dont la dissipation avait permis l’expansion industrielle et politique de notre vieux continent. Et qui ressurgit ici et là, hésitant entre messianisme et barbarie.

Quelque soit le groupe social et le contexte, l’autoritarisme n’est pas (seulement) immoral, il est (surtout) inefficace.

Il effraie et tétanise les énergies. Il dissuade la prise d’initiatives, et même l’expression d’idées. Et il est le moteur du désengagement. Car si l’homme (ou la femme) est providentiel(le), il n’est nul besoin de se mobiliser pour contribuer au projet collectif. Chacun peut alors devenir le passager clandestin d’une « reprise » dont il s’agirait alors de cueillir les fruits, plutôt que de se mobiliser pour en actionner les leviers.

A ceux qui observent le redressement économique de nos voisins européens, et la dynamique de nos concurrents internationaux, il peut être bon de rappeler que, à l’exception de territoires dotés de ressources naturelles qui leur confère une richesse de rentiers, aucun pays ne doit sa prospérité à un « chef », mais aux efforts et à la mobilisation de tous.

Certains ont fait une partie du chemin, et acceptent les fonctionnements « transversaux », « non hiérarchiques » pour des activités « marginales », mais les excluent des affaires « sérieuses ». A ceux-là, on recommandera la lecture des ouvrages de Christian Morel, qui vulgarise utilement dans ses descriptions des « décisions absurdes » les leçons des « organisations hautement résilientes ». Quand il est question de vie ou de mort (dans la santé, l’aéronautique, l’industrie pétrolière, les sous-marins nucléaires…), ce n’est pas le recours au « chef » et/ou à l’autorité des procédures (forme désincarnée du chef omniscient) qui garantit la sécurité de tous, mais bien la facilitation des contributions de chacun, dans l’interaction.

L’organisation idéale n’existe pas

La question n’est donc pas de se soumettre aux organisations non hiérarchiques ou d’y résister, mais de faire « avec ».

L’organisation idéale n’existe pas. Car au moment même où elle est imaginée, elle est déjà dépassée. Les hommes choisis sont partis, les produits ont évolué, la concurrence a bougé.

Une organisation n’est pas un cadre. C’est un « attracteur » : une image instantanée de fonctionnements souhaités, de répartitions des rôles adaptés à un moment donné, à des circonstances momentanées.

La tradition sociologique issue des travaux de Michel Crozier a permis de valoriser avec bonheur les sociogrammes, pour visualiser et comprendre les interactions interindividuelles réelles, qui l’emportent sur les organigrammes figés. Mais comprendre n’est pas agir, et le sociologue n’est pas, a priori, un homme d’action : ni entrepreneur, ni politique.

Dès lors, les nouvelles formes d’organisations qui s’affranchissent à de nombreux niveaux de décision des relations hiérarchiques, sont les mieux à même de permettre l’agilité des entreprises, et la mobilisation des énergies.

Bien sûr, les relations qui naissent de ces organisations sont complexes. Certains liens hiérarchiques sont clairs, d’autres sont en pointillés. D’autres encore inexistants, puisque décrivant une « co-existence » en théorie pacifique.

A ceci près que la vie des entreprises et des organisations génère inévitablement des tensions entre groupes sociaux, entre individus : des objectifs antagonistes, des approches différentes, des ambitions concurrentes, des résistances aux changements, conscientes ou inconscientes…

« Et la confiance, bordel ? », mais aussi les contributions !

La multiplicité de ces tensions génère une inévitable complexité. La tentation autoritaire revient alors en force, et trouve alors un allié dans la tradition cartésienne nationale : pour résoudre la complexité, il « suffit » donc de trouver l’organisation idéale, le chef omniscient et partant, omnipotent…

Les recherches et l’expérience de chacun le démontrent pourtant : on ne « résoud » pas la complexité, pas plus que le « brouillard de la guerre », fut-elle économique. On s’y adapte. Et en la matière, c’est parce qu’on partage des objectifs communs, basés sur une « vision », des « valeurs » ou toute autre « ambition » commune, et que l’on sait « mieux travailler ensemble » que l’on se donne des chances de réussir ensemble, en tirant profit de toutes les ressources disponibles, par nature rares.

Mais encore faut-il prendre la peine d’expliciter cette vision, ces valeurs, cette ambition. D’établir des habitudes de travail en commun, de construire des synergies et de nourrir la confiance mutuelle, qui donnera une véritable résilience individuelle et collective face aux difficultés. Cette confiance que décrivent avec talent les contributeurs à l’ouvrage récent de l’Institut Montaigne. Mais la confiance n’est pas un pari, c’est une production dérivée des contributions collectives.

Et puis, au quotidien, il faut aussi adopter et faire vivre des postures et des pratiques de facilitation de l’émergence d’idées, de projets. Et garantir leur mise en œuvre, en synergie, au profit de tous et de chacun.

Les débats actuels autour de « l’efficacité » du « design thinking » sont une illustration parmi d’autres de la difficulté à faire travailler ensemble les différentes fonctions de l’entreprise, ou les différents groupes d’une société. Les « experts » méprisent les productions de ces nouveaux « groupes de parole », où des Monsieur Jourdain remettent en cause les savoirs acquis. Et des ayatollahs d’une « participation » mal perçue y voient une bonne façon de prendre leur revanche sur ceux qui ne reconnaissent pas leurs talents, souvent localisés autour l’intelligence émotionnelle quand les « dirigeants » ont fait prévaloir, tout au long de la sélection imposée par le système éducatif français, leur intelligence conceptuelle.

Et si la vie de l’entreprise, la vie de la société, étaient autre chose qu’une lutte des classes, des expertises, des pouvoirs ? Et s’il fallait en fait, retrouver le goût et la pratique du vivre et travailler ensemble ?

Dans notre société post-taylorienne et notre monde en réseaux, on ne peut imaginer que les hommes s’alignent comme l’ont fait les chaines de production, et obéissent aveuglément aux « chefs » et aux « procédures ». C’est pourquoi la pratique du « leadership partagé » n’est pas une mode fugace, mais bien une nécessaire adaptation des fonctionnements collectifs, propre à animer efficacement toutes les dynamiques sociales. Une nouvelle forme de « socio-dynamique ».

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Rédigé par Kaqi

Publié dans #Management, #Transformation 3.0

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Publié le 27 Mars 2014

En France comme ailleurs en Europe, le métier d’ingénieur n’attire plus assez les jeunes talents, et cette pénurie met en péril mortel la capacité industrielle du Vieux Continent. Pour les attirer, on promeut le leadership traditionnel (« l’ingénieur premier de cordée ») et l’innovation, comme production de  l’intelligence ingénieriale. Dans les deux cas, le syndrome du « premier de la classe ». Et si les vrais enjeux étaient ailleurs ?

L’ingénieur collaboratif, leader de demain

Les pratiques collaboratives des ingénieurs français ne sont que peu étudiées par les chercheurs et auteurs hexagonaux. Pourtant, ailleurs, et en particulier dans le monde anglo-saxon, c’est un sujet important de préoccupation, tant pour les entreprises, qui exigent des formations d’ingénieurs qu’elles développent ces compétences et pratiques, que pour les enseignants, formateurs et chercheurs, qui multiplient et promeuvent les pratiques innovantes.

Poser la question des pratiques collaboratives dans le monde des ingénieurs français, c’est souvent s’attirer l’indifférence, le dédain, voire l’hostilité. Un tabou ou une question inutile ?

Pourtant, le travail collaboratif est vital pour les entreprises (et plus largement d’ailleurs), tant dans leur fonctionnement quotidien que pour leur capacité à trouver des solutions innovantes, en particulier lorsqu’il s’agit d’innover dans la rupture, en remettant en cause les approches habituelles qui ne répondent plus à un monde en perpétuel mouvement.

Les difficultés françaises sont multiples et imbriquées, et donc complexes, mais on peut en identifier trois, structurantes.

 

Le syndrome du « premier de la classe »

 

Tout commence par la définition de l’ingénieur français. Pour certains, il y a « les écoles de tête », qui recueillent le prestige et l’attention, et « les autres », que l’on compare avec distance aux « formations » allemandes, par exemple, qui nourrissent pourtant le tissu industriel le plus dynamique en Europe. Le propos n’est pas de disqualifier ici la formation exceptionnelle, et mondialement reconnue, des grandes écoles françaises d’ingénieurs. Mais ce regard sur « les autres » témoigne d’une approche ségrégationniste voire clanique, qui isole et affaiblit, en partie héritée d’un processus de sélection unique, redoutable. C’est en effet parce qu’ils auront franchi les barrières successives des meilleurs lycées, des plus rudes prépas et des concours les plus difficiles, que les « élus » pourront accéder à ces écoles d’élites, qui leur conféreront toutes les chances de succès professionnel. Ce résultat, ils l’acquerront à force de talent, de travail acharné, de résistance au stress, d’abnégation de leurs plus belles années de jeunesse.

Alors, il est facile d’imaginer que, consciemment ou inconsciemment, ces ingénieurs ont acquis, au fur et à mesure, la conviction d’être les « meilleurs » : les plus brillants esprits formés à résoudre les problèmes les plus complexes. Et c’est souvent vrai.

Pourtant, les problèmes les complexes ne trouvent pas toujours leur résolution dans des approches purement « intelligentes ».  Face à une situation vraiment « complexe », et en particulier parce qu’elle intègre des paramètres humains, il faut souvent « bricoler », admettre un écart à l’idéal, une part importante d’incertitude. Et ça, l’ingénieur d’élite n’aime pas…

Cette réponse à une problématique complexe ne peut être véritablement apportée que par un travail véritablement collaboratif entre des compétences diverses. Pas seulement par la conjonction de plusieurs approches ingénieriales (car la collaboration entre ingénieurs est une réalité opérationnelle, même si les interfaces entre spécialités sont parfois problématiques), mais entre des rationalités véritablement différentes. Et c’est là que les vraies difficultés commencent, en particulier lorsqu’il faut faire collaborer (et non pas seulement coexister) les experts des « sciences dures » - les premiers de la classe -, et les partisans des « sciences molles » (ont-ils vraiment choisi cette voie, ou est-ce par défaut, s’interrogent certains…). Car dans le système scolaire français, la prime est aux « matheux », même lorsqu’ils n’aiment pas ça…

Il ne s’agit pas là de recommander le nivellement par le bas, ou de souhaiter briser les filières d’excellence, en particulier dans les métiers d’ingénieurs, déjà insuffisamment valorisés. Mais d’assumer aussi, sans esprit de hiérarchie, que d’autres formations sont aussi utiles à la réussite collective. Encore faut-il que, dans les années d’orientation, les élèves aient accès à des conseils de professionnels qui leur fassent découvrir le monde de l’entreprise, au-delà de Zola, des risques psychosociaux et du taux de chômage.

En l’occurrence, bien loin des clichés et de l’ignorance subie ou acceptée, le monde des entreprises industrielles ne manque pas d’attraits, en matière de qualité de vie professionnelle, de réalisations concrètes et utiles, et d’évolutions tout au long de la vie.

 

La volonté de puissance : Descartes, inutile et incertain

 

Cette difficulté à « vivre ensemble », entre professionnels issus des sciences dures et des sciences molles, tient à une vieille tradition française, marquée par la philosophie cartésienne et ses dérivés dans les sciences dites « de gestion ».

Cette tradition est sans doute à l’origine de l’excellence des formations d’ingénieurs. Son projet est en effet de maîtriser la nature, d’imposer la volonté de l’homme. Cette volonté de puissance est un moteur extraordinaire pour chercher à déplacer les montagnes, à se dépasser. Elle est aussi un terrible handicap, car elle identifie la nécessaire humilité devant la complexité de notre monde à une condamnable faiblesse.

Face aux phénomènes complexes, cette posture n’est qu’arrogance. Là encore, une particularité française, qui donne des leçons au monde, et n’accepte d’en recevoir aucune… Pourtant, depuis le début du XXe siècle, les physiciens savent que le comportement d’un système à trois corps est par nature imprédictible. Alors comment imaginer maîtriser totalement des phénomènes dans lesquels la complexité de la matière s’enrichit des interactions humaines ?

Le progrès technologique est sans aucun doute source de bienfaits, et il est facile de critiquer le monde moderne, confortablement installé devant son poste de télévision… La compréhension du monde progresse chaque jour. Mais c’est par nature une quête inachevée.

La réalisation et la maîtrise de systèmes complexes doivent donc rechercher la fiabilité plus que le contrôle. Et cette quête ne peut s’inspirer d’un constructivisme à vocation omnisciente et omnipotente, car il est indispensable d’accepter l’incertitude, le brouillard de la guerre, la fumée plus que le cristal. Dans cette même logique, le facteur humain ne doit pas être perçu comme un « maillon faible », mais au contraire comme l’élément clé de la résilience des systèmes.

L’approche ingénieriale doit donc intégrer les apports des « sciences molles », à titre individuel, comme à titre collectif.

A titre individuel, cela peut se traduire par des apports dans la formation initiale qui dépassent la simple « culture générale », pour nourrir la capacité de résolution de problèmes, challenger la rigueur de l’ingénieur, et ses certitudes. Cela peut aussi se concrétiser par le croisement de parcours de formations, au-delà de la seule capitalisation de diplômes successifs – si possible d’excellence, pour être le premier parmi les premiers. A titre collectif, cela peut se traduire par la rencontre sur projets d’expertises diverses, combinées pour apprendre ensemble.

Le développement de filières mixtes, entre pôles de formation français, est un signe encourageant pour l’avenir, et les exemples à l’étranger ne manquent pas non plus, pour s’inspirer des meilleures pratiques.

Et puis, les pratiques collaboratives ne doivent pas seulement reposer sur les outils, mais sur les hommes, qui les façonnent. Dans le monde ingénierial d’aujourd’hui, les « systèmes collaboratifs » désignent exclusivement des outils informatiques permettant le partage de données, dans des environnements les plus complexes. Mais aussi ouvert que soit un système, il ne se nourrit que des données que les hommes veulent bien y intégrer, et qu’ils pourront y chercher, quelque soient les règles et directives, managériales ou automatisées…

Enfin, les pratiques collaboratives ne peuvent non plus reposer exclusivement sur des organisations pensées savamment, sur des processus gérés scientifiquement pour « obliger » à la collaboration… Les pratiques collaboratives sont des flux qui se nourrissent des pratiques individuelles, volontaires et contributives. Les organisations, les processus ne sont alors que des photographies instantanées, des repères à partager, à construire et déconstruire pour s’adapter aux objectifs du moment des hommes qui les font.

 

Le pouvoir comme objectif et comme statut : une logique Maginot

 

Les perceptions individuelles des enjeux collaboratifs se nourrissent des appétences de chacun mais aussi des facteurs collectifs, hérités du passé ou bien vécus. Pendant leurs années de formation et de pratique professionnelles, les ingénieurs ont dû faire la preuve qu’ils étaient les « meilleurs »… Et maintenant, ils devaient se convaincre que la solution, voire le « pouvoir » vient des « queues de liste », des inclassables, voire même des « universitaires » ?...

La société française souffre de la pérennité de « castes », qui s’affrontent et freinent les dynamiques collectives, quand elles ne les cassent pas.

Prenons rapidement trois exemples de grandes entreprises industrielles françaises, lorsque leur direction a été confiée à des non-ingénieurs : EDF, Orange, SNCF… Les réactions à l’externe trahissent, ou révèlent, nombre de réactions à l’interne, lorsque les transformations provoquent des difficultés, comme partout. Un choix « politique » (l’influence plus que la compétence), une entreprise qui abandonne sa vocation industrielle (noble) pour devenir une entreprise de services (les « marchands de yaourts »…)…

Force est de constater que ces affrontements existent aussi à l’intérieur des « grands corps », qu’ils soient d’ingénieurs ou issus de l’administration… Mais lorsqu’il s’agit de la perte d’un bastion « détenu » par des ingénieurs, au profit d’autres profils, c’est encore plus violent. Et à raison, car cela témoigne d’une évolution récente des organisations industrielles, partout dans le monde, qui touche à l’identité professionnelle de beaucoup.

Il y a encore peu de temps, l’ingénieur imaginait un produit pour répondre à un besoin identifié : se déplacer plus vite, plus loin, produire de l’énergie en toute sureté, et à un coup réduit, faciliter les échanges, partager les données à très haut débit...

Aujourd’hui, les producteurs de services, voire les marketeurs, imaginent des usages, pour lesquels il faudra produire des machines, des supports. Au Royaume Uni, comme l’exprimait James Dyson dans son interview récente aux Echos, les ingénieurs sont perçus comme des réparateurs de machines à laver alors qu’avant, ils les concevaient…

Ce renversement du processus créatif s’est fait à l’échelle d’une génération, et il est humainement compréhensible que cette inversion soit très difficile à vivre pour ceux qui détenaient le « pouvoir » jusqu’à présent, collectivement mais aussi, bien souvent, tout au long de leur propre parcours professionnel.

En réalité, lorsqu’il s’agit de produire dans un monde complexe, ou d’innover, l’approche « hiérarchisée » du pouvoir n’est plus adéquate. Elle est contre-productive. La question n’est pas de savoir qui, des ingénieurs, des énarques ou des commerçants, a pris le « pouvoir ». Elle est de rassembler ces énergies et ces compétences, vers un même objectif. Et ceci sans se poser la question insoluble de la « gouvernance » : pour faire simple, la question de savoir qui sera le « chef ».

Au-delà de la population des ingénieurs, la société française souffre de cette logique de bastions, de statuts : une logique figée dans le passée, dans l’immobilité. Alors qu’en matière de collaboration et d’innovation, le leadership est, par essence et par nécessité, partagé.

 

L’ingénieur collaboratif : des talents à mobiliser

 

La « technologie » ne fait peut-être plus rêver les jeunes, parce qu’ils pensent avant tout aux usages… Mais sans support matériel innovant, quels services ? Le « Cloud » lui-même illustre cette complémentarité entre de multiples expertises ingénieriales, du plus physique au plus virtuel, depuis la conception de supports performants, durables, économiques, jusqu’à la complexité des flux immatériels de données. Peut-être assimile-t-on les métiers d’ingénieurs aux métiers « manuels », dévalorisés… Sauf pour ceux qui mettent leurs capacités de raisonnement au service des flux financiers, eux aussi dématérialisés… Mais les écoles d’ingénieurs ont-elles une raison de former à ces métiers certes rémunérateurs, mais tellement éloignés de leur vocation ?

Les jeunes générations sont avides de mobilité, de fluidité, d’échanges ad hoc, informels.  Mais quelle plus belle occasion qu’une formation d’ingénieur, dès lors qu’elle ouvre au travail avec les autres, à la confrontation constructive avec d’autres rationalités, à la pratique d’autres expertises, dans le respect des contributions de chacun, plutôt que dans la recherche d’antiques hiérarchies, staliniennes statues qui n’attendent que d’être déboulonnées quand certains les maintiennent pour l’édification des masses.

Les jeunes font « leur marché »  dans les formations, les expertises, les expériences professionnelles ? Et qu’importe, dès lors qu’ils se rassemblent au service d’un objectif commun. L’enjeu n’est en effet pas de les corseter, de les contrôler, de les brider, il est de les mobiliser. Mais c’est évidemment plus compliqué…

L’ingénieur, leader de demain, ne sera pas un « chef », pas plus qu’il ne sera un « subordonné ». Il sera, comme d’autres, et peut-être mieux que d’autres, dans certains cas, un animateur de talents et de compétences, d’énergies et de projets.

La formation d’ingénieur n’est pas une échelle vers le « pouvoir », désormais inaccessible puisque partagé. Elle est une école de rigueur, de résolution de problèmes, de création de richesses. Elle ouvre sur le monde, pour aider à le comprendre, à y vivre mieux, mais sans chercher en vain à le dominer. Elle est donc, elle aussi, ouverte sur les autres. 

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Rédigé par Kaqi

Publié dans #Management

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Publié le 28 Février 2014

Les entreprises, et désormais certains territoires, allouent des moyens importants à l’adoption de « stratégies de marque ». Quelle en est l’efficacité en termes de notoriété ? Sans doute variable, en fonction du talent des créatifs et des budgets alloués. Mais en termes d’appropriation, c’est toujours contre-productif.

 

Pourtant, la proximité et l’appropriation font partie des enjeux clés, et revendiqués comme tels, des entreprises et des organisations. Engagement, mobilisation, mais aussi crowdfunding, crowdsourcing, ou même co-construction… autant de concepts et de termes installés ou émergents qui témoignent, au-delà des systèmes de reconnaissance, de l’envie et de la nécessité des actions collectives. Pourtant, les marques font l’objet d’investissements importants, puis de déploiements souvent assortis d’injonctions managériales, de contraintes juridiques et de contre-parties financières. Autant de processus qui brident ou brisent les véritables dynamiques collectives.

 

L’intelligence contre la contribution

 

Le mode même de l’adoption d’une marque est significatif de l’éloignement que cette stratégie induira. Des « créatifs » travaillent à l’élaboration d’une marque message, à partir d’images perçues, revendiquées ou supposées comme telles.

Le choix peut-être ensuite finalisé par un collectif restreint : la communication est un « art », qui a ses experts, et parfois ses stars.

On associe toujours les « dirigeants », qui payent. Mais les écoute-t-on ? Et surtout, les sollicite-t-on vraiment, au-delà d’une déférence mercantile qui dissimule parfois le dédain du « sachant » pour les « novices ».

Parfois, on associe plus largement, dans le cadre d’actions « participatives », ou « d’intelligence collective ». Alors, lorsqu’il s’agit de donner un avis, et surtout en matière de « communication », tout le monde peut se prêter à l’exercice.

Mais quels sont les facteurs de choix ? Les mécanismes inconscients, nés de l’histoire individuelle et des interactions collectives, sont indéchiffrables. Et pourquoi pas ? Le handicap majeur de cette démarche est qu’elle s’appuie uniquement sur l’intellect. Et on est souvent « plus intelligent » que l’autre, surtout depuis qu’émergent, enfin, les formes alternatives « d’intelligence » (intelligence émotionnelle, relationnelle…).

Mais quelle est la pertinence d’une idée, si elle n’est pas mise en œuvre ? Sans action, l’intelligence est incertaine, mais surtout inutile. Alors, quelle est celle d’une marque, qui ne témoigne pas de dynamiques collectives, d’actions concrètes, de contributions, passées, en cours et à venir ?

En termes de processus collectifs, le succès n’est pas dans l’intelligence ; il est dans l’action.

 

La fugacité de l’image contre la pérennité de l’appartenance

 

Qu’évoquent pour vous aujourd’hui Apple ou Starbucks ? Un présent, une image. Et pourtant, ce sont aussi deux entreprises, avec leur histoire, leur capital génétique et les « valeurs » qui ont sous-tendu leur réussite – et auxquelles les dirigeants veulent revenir régulièrement, pour retrouver leur authenticité, leur cohérence d’action – leur proximité avec leurs employés et leurs clients.

De plus, parce qu’elle ne s’ancre pas dans l’action, le quotidien, la proximité, une marque peut être remplacée par une autre, au gré de la qualité des produits mais aussi des budgets de communication alloués. Apple ou Samsung ? On est loin de l’adhésion à une aventure collective…

Parfois, on retire l’article défini (le, la), pour capitaliser sur le passé. Cela peut paraître insignifiant. C’est un changement radical car il signe le passage de l’appartenance au symbole, de la reconnaissance par le vivre ensemble à celle du signe, du contenu au message.

On peut changer de marque, dès lors qu’on en a les moyens. Et même dans ce cas, la notoriété peut prendre du temps… La transformation d’une entreprise, d’un collectif, demande des années, du talent, de l’énergie. Et elle échoue souvent, pour de multiples raisons, et souvent parce qu’une solution « intelligente » n’a pas pu répondre à la complexité des organisations humaines, et de leurs interactions.

Alors, à moins de croire aux coups de baguette magique, comment imaginer qu’une stratégie de marque pourra remplacer la puissance de mobilisation des énergies collectives ?

 

A l’interne, une action contre-productive

 

On peut admirer une marque, et même la revendiquer, l’arborer. On est alors dans l’intellect, dans le signe, et éventuellement les symboles qu’on y rattache soi-même (plus que ceux qu’elle affirme « véhiculer »).

La marque encourage à la passivité : on marque les animaux pour les reconnaître, en revendiquer la propriété. Adhéreriez-vous à une marque ? Vous engageriez-vous, vous mobiliseriez-vous pour elle ? Contribueriez-vous à son développement, à moins d’être payés ou d’en tirer un bénéfice ?

Chacun travaille dans une entreprise, une collectivité, un territoire. On ne peut revendiquer son appartenance qu’en ayant le sens – et parfois la fierté – de contribuer à une aventure collective. On peut être fier d’un « label », dès lors qu’il témoigne de compétences, de valeurs, de pratiques.

Mais d’une marque ? Lorsqu’elle est signe de reconnaissance, elle peut valoriser « ceux qui en sont ». Mais c’est toujours en se distinguant de ceux qui « n’en sont pas ». Une fierté exclusive, et non pas inclusive. Et qui témoigne d’une appartenance à un collectif auquel la marque peut être associée un moment, pour un temps. La marque est signe. Elle n’est pas appartenance.

 

A l’externe : le marquage contre les interactions

 

On peut interagir avec les représentants d’une entreprise, d’une collectivité, d’une organisation. Et toutes les démarches « tournées clients » visent à faire de chaque représentant le porteur et l’acteur des compétences, des valeurs, et aussi de l’image que le collectif veut donner, pour nourrir la proximité, créer de la valeur avec les autres, clients, partenaires, parties prenantes.

On n’interagit pas avec une marque. On la revêt, volontairement, pour bénéficier de son image ou contre rétribution. Involontairement, on la subit souvent, avec le sentiment de n’être qu’un « véhicule » - panneau publicitaire mobile…

Dès lors, la « relation », si on peut la définir comme telle même lorsqu’elle est volontaire, est seulement intellectuelle, désincarnée. On l’accepte, on le revendique éventuellement. Mais c’est avant tout un processus mental. Et si les stimuli mentaux sont importants, ils ne sont pas pérennes, et ne sont pas des actions.

Alors, à moins de chercher l’enfermement par une captation permanente du « temps de cerveau disponible », une stratégie de marque est incapable de générer une relation pérenne, inscrite dans l’action, et se voue à la course éternelle et coûteuse au « zapping » du « consommateur ».

Car une marque témoigne aussi de relations commerciales : on l’achète ou elle vous achète. Mais les relations, y compris professionnelles, ne sont pas seulement faites d’échanges économiques. La qualité de relation est faite d’histoires vécues et partagées, d’interactions humaines, d’affinités.

A l’heure des « entreprises étendues », des groupements ad hoc, des coalitions de circonstance, une marque ne peut fédérer des acteurs libres car elle n’est pas une aventure.

Enfin, une stratégie de marque peut s’affirmer totalitaire, et tuer ainsi la « relation », qui se nourrit de la diversité des modes d’interactions, par nature inégales et variées.

Pour les lieux et les territoires, la dissonance générée par une stratégie de marque est encore plus grande. On grandit, habite, travaille dans une ville, une région, un bassin de vie. Pas dans une marque ! Lorsque les territoires décident d’adopter une « stratégie de marque », ils tentent de trouver – et souvent d’imposer – un signe commun… Mais comment réduire à un message la complexité des vies, des avis, des perceptions ?

Alors, pour vendre une « destination », pourquoi pas. Mais jamais une action de vente n’a mobilisé des foules, en dehors des commerciaux intéressés – et encore…

 

 

Les actions de communication ne sont pas inutiles. Le paquet cadeau embellit l’objet, et il est dans certaines cultures un élément constitutif du présent. Et le message qui accompagne le don porte tout le sens du geste, au-delà du transfert de biens.

Ainsi, une stratégie de marque peut accompagner la valorisation des productions d’une entreprise, ou d’un territoire, lorsqu’ils souhaitent « rénover la façade ». Mais elle ne permet pas de s’affranchir des vraies dynamiques d’action collective, qu’elle ne générera jamais.

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Rédigé par Kaqi

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Publié le 4 Avril 2013

Beaucoup d'entreprises recherchent des moyens de renforcer la cohésion de leurs équipes, et les modes varient en la matière : expériences extrèmes eurent leur temps, certains ont recours à des militaires, d'autres à la méditation et au bien-être, d'autres encore à la dégustation de grands crus, ou encore à l'assemblage de vins... les possibilités semblent infinies.

A Kaqi, nous pensons que le meilleur des team-building est celui qui réunit les équipes autour de ce qui les rassemble : leur activité professionnelle, leurs enjeux, leurs difficultés et leurs succès.

 

Unknown-copie-1.jpegAsics France réalise ces jours-ci une très belle opération de team-building pour ses équipes (environ 80 personnes), avec la participation du team Europe : armer le magnifique stand qui ouvre et occupe une grande partie du salon adossé au Marathon de Paris, où passent tous les participants pour retirer leur dossard.

Une nuée de personnels apparemment très connaisseurs des courses et des matériels vous accueillent, vous proposent de tester votre foulée pour vous prodiguer quelques conseils d'équipements, et bien sûr vous présenter leurs produits.

Performants, informés, intéressés... on se dit qu'ils ont bien choisi leur agence d'hôtesses et hôtes d'accueil !

 

La surprise - et elle est vraiment bonne - est que ce ne sont pas des prestataires, mais les personnels du siège, du DG au commercial, de l'informaticien au logisticien. Pour me conseiller des chaussures, la responsable grands comptes; pour analyser ma foulée, le spécialiste d'une gamme de produits; pour encaisser mes achats, le responsable informatique, et à côté de lui, l'assistante commerciale.

 

L'effet est réussi : ce ne sont pas des commerciaux intéressés aux ventes du jour, ce sont des personnels qui investissent sur l'avenir de leur marque, de leur société. Et notre expérience est aussi intéressante que la leur, car ils rencontrent des interlocuteurs différents, autour pourtant de ce qui fait leur quotidien, le sens de leur engagement professionnel : leurs produits.

C'est économique (pas de prestataires), c'est utile (des expériences croisées), c'est efficace commercialement et c'est un moment d'émotion partagée - car les milliers de visiteurs qui passent sont sans doute à la fois porteur d'énergie, d'attentes, de messages.

Alors, l'Asics Team, chapeau !

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Rédigé par Kaqi

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Publié le 18 Mars 2013

Ce week-end encore, une participation à un trail... l'Eco-Trail de Paris, qui proposait plusieurs distances.

Cette année, j'ai choisi le 50 km.

 

Tout au long de ce parcours - enfin, quand il me restait encore un peu de lucidité, pour rejoindre l'arrivée -, je me suis surpris à me demander ce qui motive ces centaines de concurrents à dépasser leurs limites...

Et plus encore que l'épreuve elle-même, ce qui me frappe, plus généralement, est l'augmentation des distances proposées.

 

Il y a quelques années, les marathoniens étaient une poignée. Il s'agit désormais d'épreuves sélectives, qui rassemblent des dizaines de milliers de concurrents, pour les courses les plus connues, dans toutes les capitales du monde.

Les trails semblent vouloir conserver un état d'esprit particulier, puisqu'ils se déroulent en pleine nature le plus souvent, et compliquent les comparaisons de résultats, tant les aléas climatiques ont un impact sur le déroulement de l'épreuve.

 

Mais si les marathons vont au gigantisme de la participation - et à l'intervention de professionnels de l'événementiel sportif -  la tendance des trails semble être à l'augmentation des distances : on voit désormais fleurir les ultra-trails... des épreuves qui dépassent les 100 km..., et ceci de jour comme de nuit, et loin de l'asphalte des grandes villes.

 

Le mois dernier, en courant le Défi Glazig, j'écoutais un podcast - il faut bien se donner un peu de distraction tout au long des heures de course... - qui évoquait précisément cette tendance.

L'interviewé - je n'ai pas eu la présence d'esprit (ou surtout la disponibilité) de noter son nom - attribuait cet accroissement des distances au consumérisme actuel - qui pousserait chacun à vouloir plus, plus vite, plus fort, et au besoin avec des stimulants.

Il me faudrait réécouter ses arguments pour y répondre précisément. Mais je n'y souscris pas totalement, spontanément.

Quand je regarde mes compères de course - et il y en a toujours beaucoup plus devant que derrière -, les idées  suivantes me viennent à l'esprit de façon récurrente :

- beaucoup sont mus par l'esprit de compétition, et la tranche d'âge de ces garçons et filles (même si le gros du peloton est plutôt masculin) est aussi celle de l'âge des "challenges" dans les entreprises : les 30-35 ans, qui veulent marquer leur territoire, faire leurs preuves... Mais ce n'est pas la motivation principale, et beaucoup d'exemples démontrent que l'objectif n'est pas, pour la grande majorité, d'arriver en tête;

- la France dispose encore de ressources de résilience. En cas de crise majeure, je me prends à espérer que cette belle énergie pourrait être mise à disposition - et se mettrait spontanément à disposition -  des nécessités de sauvegarde et de solidarité - la vraie, pas celle des allocs';

- et puis je pense à ces dizaines de manuels de consultants et de "sociologues" qui dépeignent une France déprimée, des "élites" fatiguées, des "managers" démotivés... Je ne sais si c'est une forme de pessimisme, ou un argument commercial. Mais en tous cas, je me dis qu'ils devraient venir faire un tour dehors, sur les falaises des Côtes d'Armor, dans les bois de l'Ouest parisien, et sur tous les formidables terrains de jeu offerts à l'expression des volontés individuelles, et du plaisir de se retrouver pour partager un défi - car dans ce cas comme dans d'autres, on passe beaucoup de temps à se raconter les épreuves précédentes, et envisager les prochaines.

 

Cette énergie, on ne la retrouve pas seulement dans les épreuves sportives. Elle est présente dans la vie professionnelle, dès lors qu'on se donne la peine de regarder, d'écouter, et de construire ensemble une dynamique collective, avec ses champions, ses contributeurs, ses participants... et puis aussi, ses soutiens, ses bénévoles. Car tout autour de chacune de ces courses, se déploient des dizaines de bonnes volontés sans qui, rien de tout cela ne se ferait. Et c'est un signe de plus que le "mercantilisme" est sans doute aussi un oripeau agité par certains, faute d'avoir de meilleure idée.

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Rédigé par Kaqi

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Publié le 19 Août 2012

Surf.jpgEnseigné par un professionnel passionné et pédagogue, le surf est un loisir sportif dont chaque manager peut avec profit s’inspirer dans sa vie professionnelle. En effet, pour le pratiquer avec plaisir, que l’on soit débutant ou un peu plus expérimenté, on peut retenir quelques principes clés.

Le sens de l’observation

Lire la mer, observer les vagues, être à l’écoute de ses perceptions : c’est le premier temps de la session. Et un moment renouvelé tout au long de celle-ci, que la mer soit paisible, afin de saisir la moindre occasion, ou qu’elle soit forte, pour prévenir le danger. Rationaliser a priori l’environnement est inutile, il faut avant tout le saisir, le comprendre. Le sens du vent, le temps de la marée, mais aussi la forme des vagues et, avec l’observation des autres partenaires, le courant : autant de facteurs qui façonneront, à un moment donné, l’environnement. Les professionnels « lisent » la mer en quelques secondes, les néophytes peinent pendant quelques minutes, avec l’aide des premiers… mais l’exercice décidera de la réussite et du plaisir, avant toute chose.

L’humilité

Quelque soit la détermination et la condition physique du surfeur, l’océan demeure le plus fort. Entre vagues et courants, les éléments sont toujours dominants. La force de la mer n’est pas la seule variable : une vague « fermée », un shore-break avéré, éloigneront le surfeur avisé, et briseront, y compris physiquement, celui qui, par manque d’observation ou par orgueil, aura voulu s’exposer.

Même la température de l’eau est à prendre en compte : même si le short et le tee-shirt peuvent répondre à l’image d’un surfeur accompli, les heures passées dans l’eau finiront bien, quelque soit la température de celle-ci, par avoir raison du corps…

L’adaptation

La mer est toujours changeante. D’un jour à l’autre, et au cours d’une même session, les conditions changent avec la marée, le vent. Ce qui est vrai à un moment ne l’est plus quelques minutes plus tard. Et une stratégie esquissée en un temps donné n’est plus adaptée le temps de sa mise en œuvre. Inutile donc de bâtir des plans pour cet environnement mouvant, c’est au moment même de l’action que l’on prend une décision, que l’on déploie ses talents, ou qu’on les retient.

Le choix du matériel est une variable, pour ceux qui savent passer d’un surf à un longboard, ou pour le choix de la tenue en néoprène. 

Mais le positionnement sur la mer, juste au fond, au moment donné, et sur cet espace pourtant mouvant, sera la garantie d’un moment de plaisir et de vitesse, par-delà la zone de danger.

La patience

Corollaire des principes précédents, la patience doit aussi inspirer l’action. Face aux éléments, inutile de chercher à s’imposer si le moment n’est pas là. Les surfeurs passionnés attendent parfois « la » vague pendant de longs moments, après une longue et difficile approche. Mais plus généralement, tous sont concernés,  ne serait-ce que pour aller « au fond » : là où les conditions seront optimales pour prendre la vague. Attendre l’accalmie, puis concentrer ses efforts pour passer le front de vagues un instant disparu… Ou tout simplement renoncer, pour attendre le jour suivant…

Le lâcher prise

Ce principe est sans doute un des plus puissants, en termes d’inspiration professionnelle. En effet, le surf est avant tout un sport de sensations. Regarder sa position sur la planche, c’est regarder ses pieds. Et regarder ses pieds, c’est tomber. Se retourner pour regarder, juste derrière, où est la vague, c’est se déstabiliser. Et se déstabiliser, c’est tomber. Pour prendre la vague, il faut prendre la pente, prendre de la vitesse. Ni trop, ni trop peu.

Pour identifier ces moments, il n’est pas seulement inutile de rationaliser, c’est tout simplement inutile. Inutile en effet de « checker » des indicateurs de vitesse, de stabilité, de positionnement… Pas le temps ! Pour acquérir le « contrôle » de la situation, ou plus exactement pour la « maîtriser », nulle autre possibilité que de lâcher prise, de laisser place à ses sensations, bref, de (re-) devenir humain, avec toute sa part d’irrationalité, voire d’animalité, de se faire (à nouveau) confiance.

La solidarité

Au-delà des apparences, le surf n’est pas un sport solitaire. Face aux éléments, la solidarité est un principe fort et structurant : pas de survie en solitaire. Si l’action est exercée individuellement, la (relative) maîtrise de l’environnement ne s’exerce qu’à plusieurs.

Le respect mutuel

Enfin, même fondé sur l’action individuelle, le surf est régi par des règles de respect mutuel qui, pour le moment en tout cas, reposent sur l’éthique de chacun et non sur la judiciarisation de notre société. Par souci de sécurité, par équité, chacun observe et anticipe l’action de l’autre, et s’y adapte, y compris en « sacrifiant » son moment.

Lié au principe de solidarité, ce respect entre les hommes est le ciment social d’une société d’individus épris de liberté, et respectueux de celle des autres.

Des principes de conquête

Enfin, le surf peut apparaître comme un sport passif, éloigné des principes de l’action professionnelle, lorsqu’il convient d’aller conquérir des marchés, par exemple. Attendre la vague ? Pas question ! 

Pourtant, et en raison des principes énoncés plus haut, il nous semble que l’analogie n’est pas si mauvaise. Car plutôt que d’essayer de bénéficier de chaque vague, l’observation, la patience, l’adaptation, le lâcher prise et tous les autres principes nous paraissent parfaitement adaptés pour inspirer l’action professionnelle : celle qui permettra de saisir les opportunités et mobiliser les énergies afin d’accomplir le geste efficace, économe et esthétique, avec plaisir et aisance – bref, d’atteindre l’objectif en optimisant l’usage de l’ensemble de ses moyens.

 

PS : Si vous avez l'occasion de passer du côté d'Anglet (64), je vous recommande vivement Iban et son équipe : www.ecole-surf-uhaina.com

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Rédigé par Kaqi

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Publié le 27 Mai 2011

Le consensus annoncé sur la candidature de Christine Lagarde à la direction du FMI peut être rapproché de la confirmation, au cours de cette même semaine, de la "prime sur dividendes" imposée par le gouvernement français aux entreprises.

D'un côté, le signe que la France, malgré ses difficultés économiques, réussit à promouvoir ses représentants à des postes de responsabilité dans les instances internationales (cf l'édito de Jean-Francis Pécresse dans les Echos du 26 mai).

De l'autre, le fâcheux sentiment d'une grande méconnaissance, par nos élus et décideurs publics, du fonctionnement des entreprises, et/ou leur manque d'intérêt pour celui-ci. Macro-économie contre micro-économie, ou économie dirigée contre responsabilité entrepreneuriale ? La culture économique française est sans doute un sujet inépuisable d'observations et d'analyses.

 

L'annonce de cette "prime", au-delà même de sa réelle mise en oeuvre, est en effet susceptible de générer une multitude d'effets pervers, pour les "petites" entreprises (présentées comme étant non concernées par cette mesure), comme pour les "grandes" (a priori "obligées" de verser cette prime).

Pour les "petites", tout d'abord :

- une difficulté supplémentaire pour attirer des talents, face à des grandes entreprises qui peuvent proposer des "packages" de rémunération globale alléchants (stabilité, mobilité et évolution professionnelle, formation, temps de travail, et donc maintenant, "prime garantie" - on verra plus loin pourquoi...);

- un impact sur leurs propres politiques de rémunération, car il est à prévoir que les salariés demanderont des systèmes analogues, limitant ainsi la marge de manoeuvre managériale. La question n'est en effet pas de savoir si les dirigeants de petites structures doivent intéresser leurs salariés aux résultats de l'entreprise car, plus que les dirigeants des grandes entreprises, ils sont au contact quotidien de leurs troupes, et ne peuvent ni ne veulent oublier ce levier de mobilisation de leurs collaborateurs. La différence, désormais, c'est qu'ils vont devoir sans doute subir le doute quant à cette volonté, et se justifier.

Dans les grandes entreprises, les conséquences vont être différentes :

Dans l'immédiat, les équipes RH, ou Comp&Ben, vont devoir se plonger à nouveau sur la composition des politiques de rémunération - et c'est bien le moment, puisque les négociations annuelles 2012 se préparent dès maintenant. Car il faut être bien naïf pour croire que cette "prime" viendra mécaniquement et systématiquement en ajout des rémunérations existantes. Dans une grande entreprise, les paramètres de rémunération sont si nombreux qu'il sera sans aucun doute possible, dans la grande majorité des cas, de "flécher" sur cette "prime" des volumes de rémunération qui auraient été affectés, sans cette obligation, à d'autres leviers.

Et c'est bien là le premier effet pervers de la "prime" : une réduction de liberté managériale quant aux leviers de motivation et de reconnaissance.

Dans toute dynamique d'entreprise, l'équilibre entre rémunérations individuelles et collectives est un exercice subtil et difficile, et un choix managérial important. En imposant la "prime", le gouvernement donne un signe de préférence - sans doute involontaire - pour les systèmes de rémunération collective, au détriment de la reconnaissance des contributions individuelles à la performance de l'entreprise, dont les enveloppes seront de fait réduites. A l'heure où la fonction publique essaie d'encourager la prime au mérite, cela laisse songeur...

Il existe au moins un deuxième effet pervers. D'aucuns défenseurs de cette "prime" rappelleront que ses conditions d'attribution sont définies et qu'il ne s'agit pas d'une "charge" fixe. Les habitués des négociations salariales apprécieront... Car dans un pays où, malgré les tensions extrêmes sur les finances publiques et l'équilibre économique de nombreuses entreprises, la simple évocation d'une remise en cause de certains "acquis" est un exercice de haute voltige, on peut sans aucun doute prévoir que, lorsqu'une une entreprise envisagera de ne pas verser cette "prime", il faudra aux DRH et DRS bien du courage, de la ténacité et sans doute une habileté à générer des miracles pour faire en sorte que ce nouvel "acquis" ne soit pas perçu comme tel. Ce deuxième risque est donc que cette "prime" soit en fait, d'ores et déjà, un impôt supplémentaire.

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Rédigé par Kaqi

Publié dans #Social change, #Management

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Publié le 29 Mars 2011

Dans sa première intervention devant les médias jeudi dernier, notre nouveau Ministre de la défense, Gérard Longuet, a évoqué, en faisant référence à des "écoutes", la fragilité du moral de l'entourage du colonel Kadhafi face à l'offensive militaire alliée.

Cette référence explicite au "moral" des chefs libyens est particulièrement intéressante.

La "guerre psychologique" n'est en effet pas une nouveauté dans l'arsenal militaire et politique, même si elle s'est institutionnalisée au travers des "PsyOps", avec la Révolution dans les Affaires Militaires qui a accompagné les transformations des armées occidentales de l'après mur de Berlin.

Mais alors que les médias évoquent plus souvent des volumes d'interventions aériennes, ou vantent la supériorité de la technologie, cette référence explicite au "facteur humain" est originale, en particulier lorsqu'elle concerne l'adversaire.

La question est de savoir si c'est l'expression de la sensibilité particulière d'un homme, de culture moins technocratique que ses prédécesseurs, ou s'il traduit, en la ressentant dès sa prise de poste, une nouvelle culture de l'institution militaire, qui prendrait de plus en plus en compte dans les approches opérationnelles le "facteur humain", et pas seulement pour ses propres forces, ou pour en réduire la fragilité, dans des armées numérisées et connectées.

En tous cas, c'est aussi un message pour les managers du monde civil, qui peuvent ainsi se dire que, dans le monde a priori le plus accoutumé à "l'exécution", la cohésion d'une "équipe de direction" peut être identifiée comme un facteur majeur de risque - et donc a contrario, de succès.

Plus que jamais et en toutes circonstances, le "management non hiérarchique" et l'animation managériale sont des compétences clés au service des performances.

Nous n'irons jamais aider Kadhafi. Mais nous pouvons vous aider...

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Rédigé par Kaqi

Publié dans #Management, #Transformation 3.0, #CIMIC

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Publié le 22 Février 2011

Dans une "Opinion" publiée dans les Echos le 15 février dernier ("Pourquoi la SNCF regarde passer les trains"), un peu rude mais bien argumentée et illustrée, le sociologue François Dupuy pointe les difficultés de la SNCF à réussir sa "révolution du service". Pour lui, l'entreprise publique est une organisation endogène (tournée vers elle-même), qui ne réussira cette "révolution" qu'en touchant "à l'essentiel : son organisation ou, pour être clair, les modalités de travail de ses agents.

Le statut particulier de l'immense majorité des cheminots (il en est quelques-uns qui y échappent...) et les modalités de l'organisation du travail de beaucoup constituent, nous en sommes également convaincus, des handicaps considérables dans le contexte d'ouverture à la concurrence des transports. Et nous attendons avec curiosité voire gourmandise intellectuelle (mais aussi inquiétude) les solutions réglementaires qui permettraient à de "nouveaux entrants" sur le transport ferroviaire régional, de prendre en charge les personnels SNCF habituellement affectés au TER... Car ce qui existe sur le transport urbain (le transfert de personnels dans le cadre d'un changement d'attributaire d'une Délégation de service public) pourra-t-il être transposé aux "vrais" cheminots ?

On imagine la perplexité de Veolia/Transdev (ou de la DB, ou des CFF...) face à l'enjeu managérial et économique que ce transfert "forcé" de personnels représenterait... et, si ce transfert n'était réalisé, les craintes de la SNCF qui doit déjà, depuis trois ans, trouver des solutions pour "reclasser" les personnels du Fret, par exemple, dont les marchés ont été pris par la concurrence.

Mais il existe, selon nous, d'autres difficultés que le coût du travail cheminot, que doit prendre en compte la "révolution du service", et en particulier les trois suivantes :

 

Le cheminot n'aime pas les sciences molles

La première difficulté tient à la nature profondément "ingénieuriale" de cette entreprise, qui se décline et se renforce en "culture de la sécurité" (heureusement pour nous autres voyageurs).

Faire rouler des trains peut paraître simple, c'est en fait d'une complexité incroyable, lorsqu'on y pense un peu. Cela commence par s'assurer que des roues en métal passant sur des rails permettent de déplacer des tonnes de matériel et de passagers à grande vitesse, avec un bilan énergétique satisfaisant... et cela se poursuit, par exemple, par l'organisation des déplacements dans les "sillons" (l'espace-temps de disponibilité de l'infrastructure) d'un réseau maillé qui voit passer, dans la plupart des cas, des TGV, des Corail, des TER voire des RER, des trains de fret... et donc des convois se déplaçant à des vitesses différentes. A ce titre, la visualisation d'un "graphique de circulations" est une révélation pour le néophyte...

scesmollesLe talent des ingénieurs de la SNCF est donc à la fois réel et nécessaire. Mais cette dominante historique, que l'entreprise tente d'équilibrer depuis plus de dix ans, en recrutant des Sciences Po, des commerciaux - des marchands de yaourt disent certains - a aussi ses inconvénients.

L'ingénieur français n'aime pas les "sciences molles" (cf les propositions de l'Institut Montaigne pour "adapter la formation de nos ingénieurs à la mondialisation") car elles sont par nature incertaines... Et quand l'incertitude touche à la sécurité des personnes, cela conduit à un rejet absolu de cette approche.

Cela est plutôt rassurant quand il s'agit de l'exploitation. Mais lorsqu'une telle "culture" imprègne tous les secteurs de l'entreprise, cela peut conduire à des rigidités voire à des situations de blocage. Lorsqu'on doit travailler sur des flux de personnels, dans un contexte de marchés ouverts, de réforme des régimes de retraites, de transformation des métiers, on doit nécessairement pouvoir travailler dans un contexte d'incertitude - et une information imprécise n'exprime pas nécessairement une volonté de dissimulation. Et lorsqu'on souhaite travailler en véritable partenariat avec des acteurs externes à l'entreprise - collectivités, entreprises, associations... -, on ne peut attendre d'eux qu'ils aient un comportement parfaitement prévisible, "rationnel" (selon les enjeux de l'entreprise) ou obéissant...

Dans ces deux cas comme dans tant d'autres, il faut pouvoir travailler dans i'incertain : identifier les risques, imaginer différents scénarios, adopter une posture souple, ouverte, non dogmatique, pour saisir les opportunités, favoriser les synergies...

Tel est donc, selon nous, une transformation profonde que doit accomplir l'entreprise, avec ses personnels : accepter de travailler dans l'incertitude qui caractérise le monde des "sciences molles" - et le monde des hommes, tout simplement, quand celui des machines essaie de trouver, sans y réussir parfaitement, la perfection des "sciences dures".

 

Comment privilégier la relation client sans avoir la conviction de devoir le gagner

La deuxième difficulté est celle de l'ouverture aux autres, au sens du client - lorsque celui-ci d'ailleurs ne paye que rarement le coût complet de son transport et qu'il se sent, à juste raison, propriétaire de l'entreprise, sans que ceci d'ailleurs ne puisse justifier un comportement arrogant de "possédant" (mais ceci est un sujet plus vaste...).

La SNCF a investi massivement dans l'Université du Service, les personnels sont accompagnés et les outils applicatifs multipliés pour apporter aux voyageurs / clients une plus grande qualité de service.

Au-delà de ces progrès notables - car si l'information reste sans doute encore imparfaite, ceux qui ont le privilège de l'âge ne peuvent que constater que, à bord des trains comme aux guichets, la qualité de contact est incomparable à ce que nous connaissions (et rencontrons encore, par exemple, auprès des "vendeuses" de grands magasins) -, il reste sans doute à accomplir une révolution douloureuse : celle de la conquête du client.

concurrence.jpgL'ouverture à la concurrence n'apparaît en effet aujourd'hui, à beaucoup de personnels de l'entreprise, que comme une perspective lointaine et/ou improbable. Inconscience ou déni ? L'arrivée des concurrents sur le trafic voyageurs est pourtant une réalité, comme elle l'était sur le fret. A l'époque, on entendait au Fret "personne ne viendra, c'est trop compliqué, ce n'est pas rentable"... Aujourd'hui, les réponses sont du même ordre, ou elles relèvent du tabou, de la tétanie.

Pour expliquer les réticences à cette inéluctable évolution, il n'y a pas de coupables, seulement un passé qui imprègne les esprits, et une propension naturelle des hommes à repousser le moment de la rupture, du changement, lorsqu'il oblige à se remettre en question.

France Telecom / Orange l'a vécu, et douloureusement en France. Je me souviens d'une "vendeuse" en boutique, partant se réfugier en pleurs, en hurlant devant les clients ébahis "mais je n'ai jamais demandé à être en contact avec les gens..."

Entre distribuer des billets lorsqu'on est opérateur unique - avec le sourire, c'est mieux - et apporter au client (on ne parle plus d'usager) les arguments et services pour qu'il choisisse votre offre plutôt que celle du concurrent, c'est un changement de monde que des formations aux techniques de ventes ou de relation client ne peuvent totalement accompagner.

Pour réussir cette révolution, il faut aussi prendre conscience que son emploi, sa rémunération, ses conditions de travail, ses perspectives de carrière... sont liés à la qualité du service apporté, et avoir envie - certains disent qu'il faut "avoir faim", d'autres privilégient le sens du service à l'autre - voire du service public -. Et puis aussi (et surtout ?), il faut avoir envie du contact et de l'échange avec l'autre, alors que ce ne sont pas des propensions naturelles à tous.

 

Le statut plutôt que l'engagement

Le troisième enjeu de transformation est lié aux points évoqués par François Dupuy. On ne peut ignorer que certains cheminots "au statut" ne le sont pas par vocation (les mobilités, le service public, l'aménagement du territoire...) mais par attrait de l'emploi garanti (y compris, et sans doute mécaniquement avec le système d'avancement, parmi les cadres et peut-être parfois cadres supérieurs).

Dans un contexte économique tendu, l'emploi public devient pour beaucoup un Graal, et les postes de la SNCF sont perçus comme de tels havres de sécurité et de stabilité. La mobilisation de ces personnels "opportunistes" devient alors un sujet absolu d'incertitude, et pèse alors autant sur les chiffres que sur la capacité des équipes à remplir leurs missions, dans le contexte d'une organisation "idéale", pensée par les têtes bien faites de l'entreprise et leurs super-consultants porteurs des meilleures pratiques de "benchmark" à l'international...

Comme pour les services de l'Etat et les collectivités qui doivent faire face à la réduction des moyens avec des contraintes analogues en termes de gestion des ressources humaines, la SNCF ne pourrait, dans un monde "normal", écarter la piste de la fin de l'emploi "au statut". Mais aujourd'hui en France, on n'imagine pas vraiment cette perspective...

On pourrait considérer qu'il s'agit donc là d'une contrainte plus que d'une révolution nécessaire. Considérons plutôt qu'il s'agit là d'un enjeu managérial majeur, de l'embauche à la gestion de carrière, dans ses bons comme dans ses mauvais moments.

 

Enfin, François Dupuis pointe la posture d'une SNCF "figée sur son produit" (transporter les voyageurs par le rail). Si les autres points de l'article sont justes, celui-ci minore les efforts faits par SNCF - le groupe... Mais il est vrai que cette révolution là reste aussi à parfaire. Et là encore, les transformations organisationnelles ne seront pas suffisantes pour encourager la révolution des esprits, corollaire indispensable à celle des pratiques.

Alors, pour mener cette entreprise dans ces nécessaires transformations, et avec ces contraintes majeures, on comprend pourquoi son Président a été désigné comme "manager de l'année", malgré les réactions de certains syndicats et les perturbations de l'hiver... sachant que son talent sera bien utile pour les années à venir.

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Rédigé par Kaqi

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Publié le 6 Octobre 2010

Kaqi est une société de conseil en management, conduite du changement et affaires publiques.

Notre métier : mobiliser les acteurs, afin qu'ils enrichissent et dynamisent votre projet.

Nous apportons à nos clients nos expertises, notre méthodologie pour les aider à structurer et animer leurs dynamiques managériales et partenariales.

Pour mieux nous connaître, n'hésitez pas à consulter notre site : www.kaqi.eu ou www.kaqi.fr

Parce que le conseil est aussi une prise de position, nous ouvrons ce blog, afin de partager notre regard sur la vie des entreprises et l'évolution de nos sociétés.

Et puis nous profiterons de cet espace d'échange pour partager avec vous la vie de certains de nos projets. Certains, seulement, car, comme tous les consultants, nous avons un devoir de confidentialité.

Mais parce que certains des projets que nous accompagnons sont publics et qu'ils contribuent au développement des hommes, des entreprises et des territoires, nous aimons ainsi contribuer à leur notoriété.

A bientôt !

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Rédigé par Kaqi, le blog !

Publié dans #Management, #Social change, #Territoires

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