Publié le 10 Mars 2023

Prague, été 1990. Comme aujourd'hui en Ukraine, le peuple dit "non" aux chars soviétiques (DR)

Prague, été 1990. Comme aujourd'hui en Ukraine, le peuple dit "non" aux chars soviétiques (DR)

La sociodynamique est une grille de lecture et un art de la mise en dynamique des acteurs et des organisations. Proche de la philosophie du jeu de go plutôt que de celle du jeu d’échec, elle préconise notamment d’accroître ses degrés de liberté et de favoriser les synergies, plutôt que de s’épuiser à jouer toujours du même registre, directif et autoritaire.

En la matière, l’Ukraine de Volodymyr Zelensky et les forces armées ukrainiennes témoignent, face aux agressions de Vladimir Poutine, d’une remarquable approche sociodynamique, en privilégiant  les dynamiques collectives plutôt que le pouvoir autocratique.

Une raison de plus, parmi mille autres, de soutenir le peuple ukrainien face aux offensives multidimensionnelles russes.

 

Commençons par quelques fondamentaux de la sociodynamique.

En matière de gestion des relations inter-individuelles, la sociodynamique propose une lecture qui dépasse la linéaire et réductrice opposition entre « pour » et « contre » - « vous êtes pour moi ou contre moi ».

Et plutôt qu’une catégorisation des personnes, elle prend en compte, à un moment donné, leurs actions par rapport à un projet, un objectif partagé. Car en sociodynamique, on n’évalue pas les personnes, on prend en compte leurs actes. Et ceci selon deux axes orthogonaux : la synergie (l’énergie que l’on consacre en faveur du projet), et l’antagonisme (l’énergie que l’on affecte au détriment du projet, ou en faveur d’un autre – car le temps et l’énergie sont des ressources limitées).

On obtient alors une évaluation selon ces deux dimensions – et une grande partie des acteurs se trouvent souvent dans un positionnement de « oui si », ou « non mais » - les « hésitants », qui démontrent autant de synergie que d’antagonisme. Et des « passifs », qui ne s’engagent pas. Il y a aussi des « soutiens », piliers indéfectibles ; des « opposants » voire des « irréductibles », qui déploient leur énergie contre le projet ; des « déchirés », des « grognons »… Et puis des « triangles d’or » : des soutiens qui font preuve d’initiatives synergiques mais aussi d’un esprit critique, bienvenu.

Cela donne une « carte des partenaires » : le terrain de jeu, et d’enjeux, des parties prenantes.

 

Adapter son mode relationnel

Pour animer la relation avec l’ensemble de ces parties prenantes, la sociodynamique recommande d’adapter son « management » à leur attitude et leurs actions (car « manager », c’est animer la relation).

Plutôt que de tenter, en vain, de convaincre les « opposants » (car ils ont un autre projet que le vôtre), il s’agit de faire preuve avec eux d’un management « directif » : s’en tenir à la loi, au règlement, au contrat de travail, et l’imposer. Et surtout ne pas y déployer toute son énergie et de son temps, mais au mieux une petite partie (un tiers voire moins).

Car contrairement à ce que l’on pratique souvent, l’enjeu principal est bien plutôt de mobiliser ses « alliés » (soutiens et triangles d’or) afin qu’ils renforcent votre projet avec leurs initiatives, et qu’ils convainquent les « hésitants », qui sont prêts à « basculer », et mobilisent les « passifs », qui représentent souvent la grande masse des parties prenantes. Il faut donc de mettre en œuvre, avec eux et pour eux, un management participatif, qui s’enrichit de leurs synergies, et les rend pleinement acteurs du projet partagé.

Et avec ces « hésitants » et « passifs », on pourra faire preuve de management « transactionnel », fondé sur la négociation, le jeu gagnant-gagnant.

En résumé, et sur le plan managérial, la sociodynamique recommande la mise en œuvre conjointe des pratiques participatives et transactionnelles – le directif étant réservé à contenir les opposants ou, sur une très courte période et au prix de fractures durables de la confiance, de l’engagement, et donc des relations, à la gestion des urgences (une crise n’étant pas, de façon pérenne, une urgence).

 

Enfin, la sociodynamique décrit quatre types d’organisations, en fonction de leur propension à encourager, d’une part, le sentiment d’appartenance (« l’égo »), et d’autre part, l’ouverture sur le monde et l’innovation (« l’éco »).

Il y a donc des organisations « mécanistes », qui se réfèrent avant tout aux règlements et procédures, pratiquent l’injonction (pas de sentiment d’appartenance) et découragent l’initiative (pas d’ouverture).

Les organisations « tribales » privilégient, quant à elles, l’entre-soi, la solidarité, la fermeture. Elles apportent du réconfort mais, faute d’ouverture, manquent de créativité.

Plus ouvertes vers l’extérieur, les organisations « individualistes » stimulent la compétition, l’innovation, le contrat, les relations « mercenariales »… Elles sont agiles mais fragiles, en raison d’une faible cohésion sociale.

Et puis il y a les organisations « idéales » (l’idéal étant toujours difficile à atteindre et maintenir), qui concilient à la fois l’ouverture sur le monde et la cohésion : les organisations « holomorphes » - dans lesquelles, à l’image des fractales, on retrouve au plus petit niveau organisationnel les qualités de l’ensemble.

 

Une sociodynamique des conflits armés ?

La sociodynamique est un art des relations, entre individus, entre organisations. Est-ce alors une approche adaptée à l’analyse des conflits armés dont on peut penser, a priori, que l’objectif est la destruction de l’autre – ce qui est une forme très particulière de « relation »… ?

L’abondance de commentaires médiatisés, au cours de ces derniers mois, aura sans doute permis de sensibiliser le plus grand nombre aux multiples dimensions d’une guerre, au-delà du seul fracas des armes, et c’est pourquoi ces lignes proposeront néanmoins l’application du regard sociodynamique à certaines d’entre elles.

 

Commençons par la manœuvre des armes, aux conflits « cinétiques », qui relèvent d’expertises techniques et humaines très particulières.

Impossible, à moins d’être donc un expert très bien informé, de formuler une évaluation précise de la sociodynamique des opérations militaires. Néanmoins, quelques faits témoignent des dynamiques animées par les forces ukrainiennes, et a contrario des pratiques de l’armée d’invasion russe.

 

Dès 2014, l’Ukraine a procédé à une refondation de sa pensée stratégique[1]. Elle adopte alors une organisation décentralisée, adaptée à une guerre « réseau-centrée », reposant sur une grande autonomie des entités, jusqu’au groupe de combat, une collaboration étroite inter-armes et un engagement des populations dans la désobéissance civile et les actions de guerre hybride. Des ingrédients caractéristiques de dynamiques collectives, de synergies.

A l’opposé, la doctrine russe prévoit le choc et l’effroi : des frappes massives suivies d’une percée dans la profondeur. L’escalade de la violence, ou « toujours plus de la même chose », dans une seule direction.

 

Lors de l’offensive russe de février 2022, ces deux doctrines s’affrontent. Les forces d’invasion échouent dans la « décapitation » et l’effondrement moral attendu de l’Ukraine. La stratégie ukrainienne, quant à elle, est décrite en trois axes[2], qui relèvent plus du jeu de go que du jeu d’échec, et des principes de la sociodynamique :

  • la mobilisation de la communauté internationale (l’appel à des alliés, en dehors du « damier » existant) ;
  • la résistance de la nation et le maintien de sa volonté de combattre (le renforcement de l’appartenance collective – la dimension « ego » - indispensable dans les temps difficiles) ;
  • le succès de la défense opérationnelle par la sauvegarde des principales villes (la multiplication des « territoires » sur le « plateau de jeu », des points d’appui, et la décentralisation de l’action).

 

Les forces ukrainiennes ont par ailleurs mis en œuvre de remarquables innovations.

Et si l’on parle aujourd’hui de l’utilisation courante des drones, en regroupant sous ce vocable toute une gamme qui va des petits appareils d’observation aux engins pilotés capables de bombardements, il faut se souvenir que les premiers ont été utilisés par les Ukrainiens, à partir d’engins grand public (comme ceux que le français Parrot avait lancés en 2010, avant de se recentrer sur les usages professionnels) opérés non par des militaires professionnels mais par des civils volontaires, embarqués au plus près du front par des opérateurs spécialisés. Pour éclairer les troupes, avant d’être adaptés en « lance-bombes » - là encore une création…

De même, il avait été évoqué, dès l’invasion, l’usage d’un « réseau social » alimenté par tous les Ukrainiens volontaires pour informer en temps réel les forces armées de la localisation des troupes ennemies.

Et n’oublions pas la mise à disposition des systèmes de communication Starlink par le toujours surprenant Elon Musk…

 

Ces trois exemples d’innovation sont des illustrations des synergies que recommande l’art de la sociodynamique : appeler aux volontariats, encourager les initiatives, nourrir les réalisations communes, et prendre ses alliés « comme ils sont », dès lors que leurs contributions sont utiles au projet partagé.

Car si certains considèrent que leurs « alliés » doivent impérativement correspondre à un profil arrêté (et souvent un « mouton à cinq pattes »), les sociodynamiciens recherchent avant tout les bénéfices des synergies. Peu importent les écarts à un « idéal » dès lors que la contribution est forte, car ce qui importe le plus est la contribution réelle au projet collectif. Quant à l’esprit critique, il n’est pas écarté mais au contraire encouragé, dès lors qu’il s’accompagne de synergies fortes. Car ces doutes, interrogations voire remises en cause, visent alors à améliorer l’efficacité de la dynamique commune.

 

Les synergies plus que l’imposition

Et ces synergies entre militaires et civils engagés sont, comme le rappelait Michel Goya dans son ouvrage « S’adapter pour vaincre »[3], une clé de l’innovation guerrière. Quand les approches purement « normatives », qui visent à mettre sous contrôle les compétences et les moyens, tuent l’innovation en la livrant inéluctablement aux travers de la bureaucratie.

 

Le recours aux « proxies » (les troupes associées) est un autre point d’application possible de la sociodynamique des conflits puisqu’on y étudie, comme l’expose Olivier Zajec[4], la nature des relations : celles des « acteurs principaux » et de leurs « agents » ou « mandataires ».

En la matière, deux scénarios sont proposés. Celui de l’exploitation, dans lequel l’agent « exploité » dépend totalement de son commanditaire. Et celui de la transaction, dans lequel le proxy ne renonce pas à son propre objectif – avec toutes les incertitudes sur les écarts de trajectoire…

On pourra alors utiliser cette grille d’analyse aux troupes qui appuient l’armée russe, et à tous ceux qui se sont engagés aux côtés des Ukrainiens pour un objectif commun : mettre fin à l’invasion (car il faut toujours garder à l’esprit, en matière de conflit, la question de « l’état final recherché »).

On avait pu observer, au début de l’invasion russe, l’engagement dans le conflit armé de multiples « groupes de volontaires », locaux ou étrangers, aux côtés de l’armée ukrainienne. Ceux-ci ont progressivement été intégrés dans l’ordre de bataille officiel – sans doute pour des raisons de nécessaire coordination des efforts et du soutien, mais aussi avec un message au moins implicite de cohésion nationale – la dimension « ego » ajoutée à la dimension « eco » des organisations « individualistes » (ou « mercenaires »).

Quand, côté russe, on joue toujours de l’utilisation de supplétifs et de mercenaires portés par leurs objectifs propres – un fonctionnement typique d’organisations « mécanistes », fondées sur l’autorité, l’exécution, sans souci de l’esprit d’appartenance et de la cohésion.

Dans un cas, l’animation d’une dynamique guerrière, qui accepte certains « antagonismes » dès lors que les synergies démontrées sont plus fortes, et vise avant tout à atteindre l’objectif commun, par la mobilisation du plus grand nombre.

Dans l’autre, une « gouvernance » autoritaire voire autocratique, qui ne garantit jamais la pérennité de la « domination ». Et qui, inévitablement, démotive les « dominés » tout en encourageant les projets concurrents.

 

Une sociodynamique des guerres cognitives

On en parle de plus en plus : la guerre n’est pas seulement affaire d’affrontements armés, mais aussi un conflit des perceptions. Celles des soldats, celles de leurs chefs militaires et civils, celles des populations qui les soutiennent directement ou indirectement, par leur action sur les dirigeants étatiques.

Là encore, les Ukrainiens témoignent de pratiques dignes des meilleures expertises sociodynamiques.

Quand Vladimir Poutine active ses relais d’opinion, qu’ils soient officiels ou motivés par le classique « Mice » (money, ideology, compromission, ego), l’Ukraine s’appuie sur ses « alliés » : des acteurs volontaires qui s’engagent dans la guerre des esprits pour soutenir le projet partagé – mettre fin à l’invasion russe.

Et là encore, les modalités et la nature des acteurs témoignent des grandes différences entre l’approche verticale et la sociodynamique des parties prenantes.

Côté russe, on s’appuie sur un « narratif » et des relais médiatiques « officiels » ou des acteurs qui revendiquent une « légitimité », au nom d’un passé supposé glorieux ou d’expertises souvent auto-revendiquées.

Du côté des soutiens aux libertés ukrainiennes, on observe de tout.

Une couverture inédite des opérations militaires, grâce aux nouveaux moyens de captation et de diffusion. Une médiatisation des pratiques monstrueuses des troupes d’occupation sur les populations et les défenseurs ukrainiens, qui nourriront et accélèreront on l’espère les poursuites pénales.

Mais aussi une pluralité d’actions de communication très décalées, comme les nombreux « memes » ou témoignages vidéos qui irriguent les réseaux sociaux et, par rebond, les médias traditionnels, et témoignent d’un humour, d’un esprit critique voire d’une poésie qui rappellent l’esprit des samizdats de l’époque soviétique : l’humour et la poésie, éternels ressorts d’une humanité qui résiste aux totalitarismes.

 

D’un côté, on impose un propos et on manipule des vecteurs. De l’autre, on observe l’émergence d’initiatives parfois maladroites, mais souvent habiles – dans notre monde digital, les meilleurs sont vite identifiés et relayés -. Et toutes animées d’une même bonne volonté, au profit d’un objectif partagé – même s’il n’est pas formulé.

D’un côté, l’uniformité et l’autorité. De l’autre, le foisonnement et le libre-arbitre.

 

L’émergence ou le complot ?

Face à ce foisonnement, la dénonciation d’un « complot » ou d’un « grand Satan » est devenue une figure habituelle. Car dans le monde autoritaire qui ne fonctionne que par injonctions et suivisme d’un « homme providentiel », on ne comprend pas les logiques de mobilisation collective, d’autonomie, d’émergence. D’adhésion spontanée à une cause évidente et partagée.

Et c’est une ligne de front radicale, presque ontologique : l’unicité contre la multitude, le pilier contre le réseau. Le totalitarisme contre la pluralité démocratique. Cette pluralité que les partisans des fonctionnements autoritaires rejettent au nom d’une supposée « efficacité ».

Là encore, et parce que la guerre cognitive renforce son importance dans les stratégies étatiques, la grille de lecture des proxies est aussi féconde.

D’une part, on a un pouvoir central et ses dépendances. De l’autre, un foisonnement qui multiplie les modes et les terrains d’action. Les enjeux de contrôle d’une part, ceux de la coordination d’autre part. Le « pouvoir sur » d’un côté, le « pouvoir avec » de l’autre. D’une part Max Weber et la bureaucratie, de l’autre Hanna Arendt et les relations humaines.

 

L’animation de dynamiques collectives – qui commence par leur acceptation et leur encouragement - est une compétence clé que confèrent les principes formalisés dans la sociodynamique. Et en l’occurrence, l’avantage est clairement aux Ukrainiens et à leurs soutiens.

Ce qui leur permet, également, de multiplier les « damiers » et d’en changer au gré du contexte et des événements, ou de jouer sur les différents territoires de l’espace du jeu de go, plutôt que de se laisser enfermer sur une ligne de front unique. Conserver des « degrés de liberté » : un principe commun fort de la sociodynamique et du jeu de go…

 

Une sociodynamique de la politique intérieure et internationale

Enfin, et parce que la guerre se mène aussi sur le plan politique, on peut analyser, au regard des clés de la sociodynamique, les pratiques sur le plan intérieur, et sur la scène internationale.

La mobilisation internationale a été rapide, et les initiatives « individuelles » ont été plus nombreuses que les dynamiques institutionnelles, en particulier dans les pays qui avaient connu le joug et les crimes soviétiques.

Les pays baltes et nordiques, et les pays qui avaient recouvré leurs libertés après l’effondrement de l’empire soviétique, ont instantanément manifesté leurs synergies. Politiquement, et matériellement. Sans tergiverser. De vrais alliés.

Et ceci en dépassant les vieilles querelles historiques ou territoriales, les anciens « empires ».

Et puis les alliances institutionnelles se sont mises en branle… l’OTAN, l’Union Européenne, les Nations Unies…

Mais dans ce monde multipolaire, les approches verticales, orgueilleuses voire autoritaires, n’ont pas d’efficacité… Peu importent les coups de mentons, seuls comptent les actes, les véritables synergies. S’opposer clairement à l’ennemi – y compris en payant, dans son confort, le prix de cet attachement aux principes partagés - , soutenir les réfugiés, apporter des moyens, ou prendre le train pour marquer les esprits et mobiliser ainsi ceux qui hésitent…

Avec ce conflit, le monde trouve un nouvel équilibre. Entre des approches vieillissantes et souvent infantilisantes, qui croient encore au pouvoir d’un « statut » parfois auto-conféré. Et celles qui font le choix de l’action, celui des synergies.

 

Les dynamiques de la société ukrainienne sont, quant à elles, documentées dans le livre actualisé début 2023 d’Alexandra Goujon[5], qui a également contribué à un épisode remarquable du « Collimateur », le podcast de l’IRSEM[6], le 22 février 2023.

Ainsi qu’elle le décrit, l’Ukraine ne s’est pas seulement mobilisée autour d’un pouvoir central, mais avec une grande pluralité d’acteurs.

Certes, le courage et l’habileté de Volodymyr Zelensky a permis de rassurer à la fois le peuple ukrainien et ses alliés et d’organiser la défense du territoire autour des forces armées ukrainiennes. Mais ce qui a garanti la pérennité des services aux populations et le développement d’actions de soutien est bien l’émergence d’initiatives multiples, coordonnées en partie seulement par les services étatiques, naturellement dépassés par l’ampleur d’une telle crise. Car lorsque la confiance est partagée au profit d’un objectif commun, quelle nécessité à un « contrôle », inévitablement inefficace ?

Et le peuple ukrainien a démontré, depuis la « Révolution de Maïdan », fin 2013, ses remarquables capacités d’auto-organisation. Pour se révolter contre la violence du gouvernement pro-russe (95 morts du côté des manifestants – la « Centurie céleste » - et 19 du côté des policiers[7]), tout d’abord, et ensuite pour résister aux premières offensives russes.

 

La société ukrainienne : rebelle ou sociodynamique ?

Ainsi que le rappelle Alexandra Goujon, la révolte de l’hiver 2013-2014 rassemble certes des partis d’opposition mais surtout des citoyens ordinaires qui mettent en place des services d’intervention et d’appui (patrouilles, blocage de cars de police, transport de bois, d’essence et de produits d’alimentation) et de soins que certains décriront, faute d’autre grille de compréhension, comme un « État dans l’État » - voire comme le fruit d’interventions étrangères, alors que les ONG humanitaires n’étaient qu’une partie des acteurs dans ce foisonnement d’initiatives synergiques.

Et les Ukrainiens démontreront à nouveau cette capacité de mobilisation et d’auto-organisation lors de l’annexion de la Crimée, puis lors de l’invasion de février 2022, avec une mobilisation purement militaire, au sein des forces armées ou de groupes initialement autonomes, mais aussi avec des levées de fonds, des actions humanitaires, des engagements bénévoles pour charger/décharger des marchandises, tisser des filets de camouflage. Mais aussi apporter un appui psychologique professionnel, ou poursuivre les enseignements des élèves réfugiés…

Comme l’exprime Alexandra Goujon, « la société civile est souvent considérée dans son opposition à l’État. Elle est composée d’individus ou de groupes dont les actions ne sont certes pas contrôlées par les pouvoirs publics mais les conduisent à avoir des relations avec eux (…) un État dans l’État : cette métaphore suppose la capacité des citoyens de se substituer à l’État alors qu’ils agissent plutôt dans les interstices de l’action publique ».

Préférer les « relations » au « contrôle », voilà une belle illustration des approches sociodynamiques…

 

L’approche sociodynamique, vecteur des libertés retrouvées

En matière de conduite d’entreprise, l’approche sociodynamique démontre son utilité et sa puissance dans de multiples contextes, et en particulier lorsqu’il faut faire face à des tensions, des conflits. Car on ne peut pas « tuer » l’autre – en tous cas dans nos sociétés démocratiques. Il faut donc « faire avec », autant que possible.

Dans un débat politique régulé, au plan national ou international, les règles sont les mêmes. Et là encore, il convient de multiplier les synergies, pour emporter la décision.

Dans le prolongement guerrier de l’affrontement politique, la sociodynamique a sans doute aussi son utilité – ne serait-ce que parce que la guerre n’est pas seulement celle des armes. Et cette puissance est au service de ceux qui, comme les Ukrainiens, préfèrent la liberté au totalitarisme, et font le choix des synergies plutôt que celui de l’écrasement de l’autre.

Alors, au quotidien comme dans tous les contextes de nos vies, démontrons par nos actions et nos engagements que le camp de l’Ukraine est clairement le nôtre : celui des libertés, de l’initiative et de l’autonomie.

 


[1] Thibault Fouillet, « Guerre en Ukraine : étude opérationnelle d’un conflit de haute intensité (premier volet) », Fondation pour la Recherche Stratégique, Février 2023

[2] Idem

[3] Michel Goya, « S’adapter pour vaincre », Perrin, 2019

[4] Olivier Zajec, « Stratégie et guerres par proxies », Défense & Sécurité Internationale n°163, Janvier-février 2023.

[5] Alexandra Goujon, « L’Ukraine, de l’indépendance à la guerre », Le Cavalier Bleu, 2023

[7] Alexandra Goujon, op.cit.

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Rédigé par Alexis Kummetat

Publié dans #Management, #Social change, #CIMIC, #Sociodynamique - Stratégie des Alliés

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