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Publié le 14 Septembre 2023

Pour de meilleurs services aux territoires : mieux travailler ensemble...

Cet été, comme l’année dernière, j’ai expérimenté pendant quelques jours la randonnée à vélo. Avec très vite, déformation professionnelle oblige, un regard sur « l’expérience client » et la conviction de nécessaires synergies à créer ou accroître pour favoriser ce type de séjour et, partant, développer l’attractivité du territoire. Et avec en tête avec les succès collectifs du Club TGV Bretagne…

 

Une offre riche

Le vélotourisme a la cote. Avec le développement des usages de la petite reine, en particulier dans les grandes villes, et la multiplication des offres de vélos à assistance électrique, un nombre croissant d’usagers du quotidien envisagent d’expérimenter un loisir auparavant réservé aux passionnés.

Familiarisés avec leur monture et sensibles aux enjeux de mobilités douces, les citadins regardent au-delà de leurs trajets habituels. Et l’assistance électrique encourage des seniors ou des utilisateurs peu sportifs à envisager de nouvelles « aventures ».

Nombre de sites associatifs ou commerciaux proposent également des conseils en matière d’équipement. Et les fabricants font preuve de créativité commerciale, comme le lancement récent des « gravel » - des vélos positionnés entre vélo de ville et VTT et donc promus comme parfaitement adaptés aux chemins de randonnée… (de mon point de vue, un VTT « non compétiteur » fait l’affaire de tous les usages).

Et puis au-delà du vélo, il y a l’équipement textile du cycliste… car à coups de plusieurs dizaines de kilomètres par jour, ce que l’amateur juge « superflu » peut s’avérer indispensable.

 

Pour pratiquer ce loisir, -l’œuf ou la poule ?-, les itinéraires fleurissent et sont promus à coups de cartes et de guides proposés dans les rayons vélo des magasins. Et bien sûr sur une multitude de sites internet et de plate-forme, poussés par les collectivités, par des entreprises pas toujours bien identifiées et/ou alimentées par des usagers. Et il y aussi la possibilité de s’improviser tour-opérateur de son propre itinéraire, avec une carte de randonnée ou son outil habituel de géo-localisation.

Des labels dédiés (type « Accueil vélo ») fleurissent, rassurant le vélo-randonneur sur l’accueil qu’il recevra, et influençant ainsi le choix de son itinéraire.

Et des subventions, comme celles de l’ADEME, accompagnent les opérateurs publics (principalement) et privés (quelques-uns) dans leurs investissements…

Bref, beaucoup d’ingrédients, a priori, pour favoriser le développement de cette offre de loisirs.

Et pourtant, de l’intention louable au succès de la mise en œuvre, il demeure encore du chemin à parcourir…

Alors bien sûr, certaines sociétés ont pris en compte beaucoup des enjeux de progrès qui seront évoqués ici – avec une location de vélos, la réservation des hébergements et le transfert des bagages chaque matin. Mais tout le monde ne peut ni ne souhaite s’offrir de telles prestations « clés en main ».

 

La question des trains

Un premier critère est à prendre en compte dans le choix de votre itinéraire : son accessibilité depuis votre domicile. Car à moins de faire une boucle depuis chez vous, ou d’un point de départ/arrivée que vous rejoindrez en voiture – ce qui limite de fait les destinations accessibles et ne répond pas aux envies d’urbains de plus en plus dépourvus de voiture -, vous devrez sélectionner une destination à rejoindre et/ou d’où revenir en montant, avec votre vélo, dans le train.

Et les difficultés commencent là. Car à moins d’avoir un vélo pliant, qui n’est pas adapté par nature aux grands trajets de vélotourisme, les possibilités se restreignent vite.

 

Tout d’abord, coupons court aux envies habituelles de « SNCF Bashing » - car quand on parle train, on pense très vite au « grand coupable » que doit être la SNCF.

Alors, si on préfère la recherche de coupables à celles de solutions (vous devinez ma préférence), cette quête doit être élargie au-delà de l’entreprise ferroviaire nationale.

Car tout est question de pratiques et de matériel. Et le matériel ferroviaire, dont nous sommes indirectement actionnaires par l’intermédiaire de la SNCF ou des Régions, est à la fois coûteux et durable : une trentaine d’années environ.

La France a voulu développer le TGV, et nous pouvons être fiers de ce réseau et de ces services qui rapprochent les territoires les uns des autres. Mais les voitures TGV sont avant tout prévues pour des passagers individuels.

Il y a, dès la conception, quelques places accessibles aux fauteuils roulants, et on ne saurait utiliser ces espaces pour un vélo, au détriment des personnes concernées. Sur Eurostar, un compartiment sans doute conçu pour une petite logistique avait permis, jusqu’à la crise Covid, d’emporter quelques vélos (c’est encore possible entre Bruxelles et Londres, mais pas pour Paris). Et sur certaines rames TGV (celles avec l’espace de 2nde en bout de voiture de première), le transporteur a supprimé des sièges pour permettre d’embarquer deux vélos – ce qui fait 4 places par train pour des rames doubles...

Alors bien sûr, il n’y a pas que le TGV. Et la remise en service sur des trajets classiques des voitures « Corail » a permis, à l’occasion de leur remise à neuf, de proposer des espaces pour accrocher son vélo – à condition de pouvoir le hisser depuis le quai…

Quant aux TER, les plus récents permettent de charger facilement des vélos à bord – moyennant une réservation compréhensible pour éviter un encombrement des voitures, mais cela nécessite parfois, sur certaines destinations demandées, un peu d’anticipation.

 

Alors pourquoi tant de difficultés ?

Tout simplement parce que la demande est très récente. Et que, comme évoqué plus haut, on ne change pas de matériel roulant tous les ans… Sans oublier que, hors haute saison de la pratique du vélotourisme, et aussi pendant celle-ci, il y a des « conflits d’usage » entre ceux qui veulent transporter leurs vélos et ceux qui veulent seulement voyager, alors que le nombre de places est, pour des raisons de sécurité et de confort, limité.

Alors, si on doit chercher des coupables (alors qu’il est toujours plus utile de chercher des solutions), autant affirmer « tous coupables », y compris les Français eux-mêmes : ceux qui ont découvert trop tard le vélotourisme, ou ceux qui ne le pratiquent pas assez. Et à ce jeu habituel, nous serons tous rapidement perdants…

 

Alors, pour ma part, et habitant Paris, j’avais choisi l’année dernière la destination du Mont Saint Michel, d’où j’étais revenu en TER… un TER très demandé par les vélotouristes dont certains, faute de réservation, avaient du rester, avec leur matériel, sur le quai de la gare de Pontorson.

Cette année, j’ai profité à l’aller comme au retour des TGV allant vers l’Est, en commençant à Nancy et revenant depuis Colmar.

Mais l’année prochaine ?

 

Quel itinéraire ? L’abondance peut-elle nuire ?

Sur place, les itinéraires sont donc souvent multiples, et se font parfois concurrence.

Il y a les parcours associatifs, plus ou moins soutenus par des collectivités (car par nature, le soutien d’une collectivité s’arrête aux frontières de son territoire). Dont on peut prendre connaissance au gré de ses recherches sur internet, ou que l’on découvre sur place.

Et puis il y a les parcours plus institutionnels, du type « véloroutes » qui les complètent, ou pas… Et vous entraînent dans un détour parfois charmant mais non prévu. Des parcours portés par des collectivités aux territoires parfois communs,…  le millefeuille institutionnel français appliqué aux itinéraires de vélotourisme [i].

Et puis il y a ceux que vous donnent des applications comme GoogleMaps ou Geovelo, par exemple. Avec des paramétrages parfois surprenants (je pense au premier) qui peuvent vous conduire à emprunter, avec un vélo chargé, un « single track » plus adapté à des trailers ou des cavaliers qu’à des vélotouristes encombrés…

Sans oublier ceux des guides ad hoc, qui ne sont pas nécessairement ceux des cartes routières également dédiées.

 

Alors, il faudrait faire la fine bouche pour se plaindre d’une telle abondance… Mais quand, au gré d’une bifurcation, on doit choisir entre la route des vins d’Alsace et celle des vignobles d’Alsace, car l’une évite un village (barré sur le panneau indicateur), on s’interroge, et le spécialiste du management des parties prenantes peut suspecter des tensions locales. Des situations qui conduisent à une forme de perplexité quand ce n’est pas de désarroi…

Ou peut-être est-ce un « effet rocade » local (les habitants soucieux de leur tranquillité qui encouragent, avec cette variante, le détour…). A moins que ce soit seulement l’oubli de se parler… le trop classique « effet silo ».

 

S’hydrater, s’alimenter

Alors on peut vivre de passion, mais il faut aussi de l’eau fraîche, et en particulier en plein été. Et pour ma part, les 5 litres embarqués étaient à peine suffisants pour une journée de canicule.

On le sait, l’eau est précieuse, rare et chère. Mais elle est surtout souvent absente de nos territoires (et je n’évoque pas les forêts, dans lesquelles, presque paradoxalement, on peut trouver des ruisseaux, à condition de pouvoir traiter l’eau).

Fontaines fermées dans les villages, absentes dans les nouveaux espaces colonisés par les lotissements, la recherche d’un robinet d’eau potable peut devenir, pour ceux qui n’ont pas anticipé cette question, une véritable quête du graal (il y a bien des types de lieux dans lesquels on en trouve mais je ne les cite pas ici, de crainte que trop connus, ils soient alors fermés…).

Alors pourquoi cette rareté ?

Sans doute avant tout des questions économiques, d’entretien des installations et de coût de l’eau. Certains pourront également mettre en avant l’argument écologique d’une consommation responsable. Mais là, plutôt qu’une interdiction et une suppression de ces installations, le « nudge » peut aider. Comme un panneau « eau potable » apposé à une fontaine d’eau douce de bord de mer cet été, et qui conduisait à renoncer à se laver les pieds d’un sable qui tomberait seul, une fois sec (l’eau de nos toilettes est aussi « potable », mais évitons de leur dire…).

 

Avec cette contrainte très matérielle, la randonnée à travers nos territoires peut décontenancer des citadins habitués à trouver ouvert, au bas de chez eux, presque à toute heure et en tous cas tous les jours, un supermarché proposant nourriture et boisson. Dans les villes, les fontaines publiques sont cela dit presque aussi rares mais il y a souvent une solution commerciale – ce qui n’est pas satisfaisant, évidemment.

Dans les villages, les cafés ont fermé, comme les épiceries. Et les supermarchés de périphérie sont, la plupart du temps, fermés les dimanches et jours fériés.

Quant aux restaurants, ils augmentent considérablement le budget du séjour. Et, pour les raisons connues de tension sur les recrutements, sont souvent fermés, aussi, pendant les dimanches, lundi et jours fériés, ainsi que pendant les congés d’été – qui sont par nature des temps favorables pour la randonnée de loisir.

Alors il est toujours possible d’anticiper, et de charger ses sacoches de provisions, voire d’un réchaud…

 

Mais peut apparaître alors, indirectement, la question de l’accueil et des services apportés aux touristes qui ne « consommeraient » pas assez. Et pour lesquelles on ne souhaiterait donc pas rénover voire créer des infrastructures de mobilité et de services associés.

En ce qui concerne l’eau, j’ai remarqué que des fontaines avaient été fermées – après une expérimentation remarquée d’en rendre une payante, abandonnée sans doute en raison de la maintenance spécifique nécessaire – au regard de l’usage des camping-cars, avec des volumes plus importants que la gourde du randonneur.

Du point de vue des collectivités et des concitoyens contribuables, s’ils adoptent uniquement un angle économique, c’est compréhensible : pourquoi accepter une dépense pour des « passagers clandestins » du territoire ?

Mais à l’inverse, on pourrait demander leurs motivations à d’autres acteurs publics, comme cette petite commune normande, en direction du Mont Saint Michel, qui proposait non seulement un point d’eau mais aussi des toilettes publiques parfaitement entretenues (point également crucial).

Peut-on réduire l’action publique à des dimensions économiques ? Une vraie question d’actualité, en ces temps d’inflation et de tensions sur les budgets publics et privés…

 

 

Se reposer aussi

Dans le même ordre d’idées se pose aussi la question de l’hébergement… Camping, hôtel, bivouac ? Le confort souhaité, la disponibilité et le prix sont autant de critères qui guideront votre choix – initial ou par défaut.

Car en dépit des « labels », il n’y a pas nécessairement de lien entre les itinéraires identifiés et les possibilités d’hébergement.

Le label « accueil vélo » garantit au cyclotouriste, en théorie, un certain nombre de services. Pour le professionnel, il est soumis à une redevance (300 euros pour trois ans, ce qui demeure raisonnable pour un établissement recevant beaucoup de visiteurs). Mais le relais par les offices de tourisme est souvent lié à l’adhésion à l’organisme. Là encore une dépense que certains doivent hésiter à engager.

Et ceci d’autant qu’il n’est pas obligatoire d’avoir le label pour proposer des services équivalents voire supérieurs – le bouche à oreille des réseaux faisant ensuite la publicité…

 

Les leçons des Clubs TGV

Alors, on le voit, le succès d’une telle échappée tient à l’action de nombreuses parties prenantes.

Et l’idée de ces lignes n’est pas de vous dissuader d’y songer pour vos prochaines vacances. Mais de rendre à nouveau hommage aux animateurs et contributeurs des Clubs TGV, et en particulier du Club TGV Bretagne, dont les principes d’action et de mobilisation peuvent dépasser le monde des mobilités et du tourisme.

 

L’idée des « Clubs TGV », « l’un des plus efficaces instruments de relations publiques que la SNCF a imaginés autour de ses futures dessertes TGV »[ii] est née en 2004 d’une rencontre :

  • Le constat partagé par la SNCF et les décideurs des collectivités qui allaient bénéficier, trois ans plus tard, de l’arrivée du TGV Est-Européen, que la mobilisation des bénéficiaires (et en particulier les acteurs économiques) n’était pas suffisante, alors que les travaux étaient déjà en cours… On risquait donc que le « retour sur investissements » se fasse lentement, trop lentement, après la mise en service. Et donc une envie partagée de susciter plus d’attention, d’enthousiasme, d’engagement. Et ceci dès avant que le premier train n’entre en gare ;
  • Et des principes d’action éprouvés sur d’autres projets de mobilisation d’acteurs, dans un contexte « non hiérarchique » - car c’est bien là le sujet : comment mettre en mouvement des acteurs sur lesquels vous n’avez aucun levier hiérarchique...

 

Et à Strasbourg, alors que décideurs économiques et politiques se bousculaient pour participer au « Club » mis en place aussi à Nancy et Metz, Guillaume Pepy, alors Directeur général exécutif, lancera alors le slogan percutant et signifiant « Inventer la vie qui va avec TGV ».

Car il s’agissait bien de cela. A quoi bon construire une infrastructure d’exception et des services à grande vitesse si les services qui en bénéficiaient n’existaient pas ?

Comme l’avait exprimé aux collectivités et aux entreprises Pierre Messulam, grand expert des systèmes ferroviaires à la SNCF et qui avait décidé d’intégré la dynamique au projet TGV Rhin-Rhône qu’il dirigeait : « Vous attendez du TGV un max de retombées économiques, moi je veux un max de voyageurs, c’est la même chose. Causons »[iii]

 

On ne parlait alors pas de « mobilités », mais il s’agissait déjà de mettre en service, au même moment, des trains régionaux en correspondance, des bus locaux, des taxis, des itinéraires piétons (le vélo demeurait encore alors une pratique individuelle)… Car à quoi bon gagner du temps entre deux gares si on ne pouvait atteindre, rapidement et confortablement, sa destination.

Et puis il s’agissait de mieux accueillir les visiteurs. Comme à Strasbourg, où la CCI allait proposer aux commerçants des formations en langues étrangères pour accueillir ceux qui profiteraient du TGV pour s’arrêter par la capitale européenne. Et mobiliserait plus généralement les décideurs économiques afin qu’ils intègrent à leurs offres, ou au moins à leur communication, l’avantage concurrentiel que constitueraient les nouveaux services ferroviaires.

 

Expérimentée avec succès avec le TGV Est-Européen, le principe du Club TGV sera alors intégré au projet du TGV Rhin-Rhône, entre 2008 et 2011, où ses réalisations se diversifieront, entre Mulhouse, Belfort-Montbéliard, Besançon et Dijon. Et ses principes d’actions s’affineront, au regard des succès mais aussi des difficultés rencontrées (on apprend toujours de celles-ci, mais il faut aussi garder à l’esprit les conditions des succès).

Avec des actions permettant d’améliorer, dès avant la mise en service et en dépit de contraintes administratives structurantes, les mobilités locales. Ou d’encourager des collectivités à s’emparer du sujet, au-delà de revendications contreparties des financements publics.

 

Et le principe du Club TGV se déploiera avec encore plus d’efficacité à l’occasion de la mise en service du TGV Bretagne, grâce à un travail mené entre 2012 et 2017 (et même prolongé ensuite, jusqu’à la crise Covid) par les Clubs TGV Bretagne (un pour chaque département bénéficiant de la nouvelle ligne, et une coordination régionale).

Là encore, les collectivités seront encouragées à prévoir, en temps utile, des services de mobilité locale. Mais les réalisations les plus significatives seront observées dans le monde du tourisme. Avec des offres « clés en main » conçues grâce à des partenariats entre la SNCF, des opérateurs privés et les services de la collectivité régionale. Et même l’expérimentation puis le déploiement de la politique régionale « Bretagne sans ma voiture », dépassant ainsi les tensions de prérogatives entre différents acteurs publics, au service de l’intérêt commun.

Ou encore, après la mise en service, des « job dating » à Paris, avec l’aller-retour TGV dans la journée, pour promouvoir l’attractivité du territoire et des entreprises.

Là encore, des synergies à imaginer et des susceptibilités voire des concurrences à gérer, en particulier lorsque des organisations publiques envisageaient, au regard des succès rencontrés, de s’engager dans une commercialisation de services « dopée » par des frais de fonctionnement déjà couverts par l’argent public…

 

 

« Mieux travailler ensemble »

On m’a parfois demandé quelle était la méthodologie des « Clubs TGV ».

Alors il n’y a pas une méthodologie spécifique, mais plutôt une posture partenariale, des principes d’action et une pratique, qui s’inspirent pour beaucoup de la sociodynamique.

Une énergie aussi à insuffler, en permanence, pour faire vivre le projet – et c’était le choix de la SNCF de laisser toute autonomie aux acteurs des Clubs, tout en leur apportant les moyens d’un appui méthodologique et opérationnel.

Et surtout, des femmes et des hommes de bonne volonté, à la tête d’entreprises, d’organisations publiques et privées ou à des postes clés dans celles-ci. Des femmes et des hommes capables de décoder les complexités de leur organisation, d’en partager les contraintes mais aussi les opportunités, de faire converger les intérêts au service du développement de leur territoire. Des femmes et des hommes prêts à devenir des pionniers puis des ambassadeurs du projet. Et la plupart du temps, en plus de leurs occupations professionnelles souvent nombreuses.

Cette bonne volonté collective, c’est la vraie clé du succès d’une dynamique collective.

Car les dynamiques échouent souvent faute de contributeurs. Plus que des obstacles mis sur leur route (même si cela arrive, naturellement).

Alors, faire converger les initiatives privées, les projets publics… dépasser les conflits d’egos, prendre en compte les agendas électoraux et surtout s’en affranchir, identifier les acteurs clés et les projets de chacun afin d’imaginer et mettre en œuvre des synergies… Telles sont quelques règles pour passer à l’acte.

 

Autant d’actions très concrètes qui peuvent être mises en œuvre pour développer le vélotourisme et donc l’attractivité d’un territoire. Et bien sûr d’autres services au profit de nos entreprises et de nos concitoyens dans le domaine de l’emploi, de la santé, de la formation…

Parlons-en !

 

[i] Par exemple, sur le site internet du label « Eurovelo » : « Le développement et l'exploitation des lignes EuroVelo sont assurés par les autorités nationales, régionales et locales, les prestataires de services commerciaux et les ONG. »

[ii] « SNCF, la fin d’un monopole », François Regniault, 2010. Jean-Claude Gasewitch Editeur

[iii] idem

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Rédigé par Alexis Kummetat

Publié dans #Territoires, #Social change

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Publié le 1 Février 2021

Tiers lieux : une modalité du travail dans le « nouveau normal » ?

Les « tiers lieux », espaces entre bureau et domicile, émergeaient prudemment avant les confinements. Dans la perspective de « l’après », aménageurs et promoteurs remettent le sujet à l’ordre du jour. Les leçons du « télétravail » seront-elles des accélérateurs de ces espaces de travail partagés ? Pas sûr. En tous cas, pas sans certaines évolutions, dans les entreprises comme dans les territoires.

 

Le « télétravail » semble avoir séduit beaucoup d’entreprises, dans le monde des services, qu’ils soient privés ou bien publics.

Au premier rang des avantages perçus, l’opportunité de réduire les surfaces louées ou achetées grâce à la mutualisation des bureaux physiques – ce qu’on appelle le « bureau flexible » (ou « flex-office »). Car ce qui, dans le « télétravail », plait aux gestionnaires d’entreprises (beaucoup moins aux managers), c’est le travail « à distance ».

Ce mode d’organisation n’est pas nouveau, et beaucoup d’entreprises, notamment dans le monde du conseil qui voit ses employés souvent absents du « bureau », y ont recours depuis des années. Avec les effets que l’on connaît désormais, positifs ou négatifs : dématérialisation indispensable (puisque le stockage de documents est réduit au maximum), fragilisation du lien d’appartenance (tout le monde n’est pas à l’aise avec l’absence de points physiques d’ancrage), concurrence pour les « meilleures » places, stratégies de contournements avec règles et objectifs plus ou moins explicites, plus ou moins liés à l’activité professionnelle, et bien sûr enjeux de management à distance, et de fidélisation des talents… Ceux qui veulent s’y engager pourront au moins se référer au retour d’expérience des autres.

 

Du côté des salariés…

Du côté des salariés, et nos enquêtes lors du premier confinement et à la rentrée de septembre l’avaient montré, l’envie est réelle, pour une partie du temps de travail (les deux jours par semaine exprimés dès notre questionnaire d’avril 2020 semblant être confirmés par les longues négociations encore en cours et les pratiques souhaitées.

Au premier rang des avantages avancés pour eux, la réduction des temps de trajet (même si ceux-ci peuvent aussi être un sas indispensable entre les sphères personnelle et professionnelle, un moment « à soi » qui manque sur le trajet entre la chambre et la salle à manger, dans le meilleur des cas). C’est aussi l’envie exprimée d’un meilleur équilibre de vie, que permettrait ce gain de temps. Un avantage qui a fait en partie long feu pour ceux qui ont découvert avec plus ou moins de succès la nécessaire discipline que connaissait bien le travailleur indépendant, pour maintenir l’équilibre fragile entre l’appropriation de la table du dîner familial par l’ordinateur, et l’opportunité de faire tourner une machine à laver entre deux dossiers…

Au premier plan des inconvénients, pour la plupart, la fragilisation des liens sociaux. Car la « distanciation physique » imposée ne remplace pas les vraies interactions, même avec et peut-être d’autant plus avec la multiplication des moments d’interfaces visuelles en deux dimensions. Liens sociaux professionnels, pour ajuster de façon plus ou moins formelle, les interactions nécessaires. Et aussi informels, amicaux ou autres – rappelons que le lieu de travail constituait un des principaux lieux de rencontre amoureuse.

 

Une conjonction favorable des planètes pour les tiers lieux ?

Le « tiers lieu », initialement, c’est l’idée d’un lieu neutre, communautaire (accessible à tous ceux qui se reconnaissent dans les principes et/ou le style affichés par celui-ci), et facilitant les échanges. Une « maison hors de la maison » aussi, pour certains, de par sa vocation bienveillante.

On a donc vu se développer des « tiers lieux » dans des librairies, des magasins de jeux de plateaux… et très vite dans des espaces à vocation « innovatrice », plus tournés vers l’activité professionnelle. Car le tiers lieu est dans l’esprit du temps, celui du travailleur nomade des métiers du service – la crise ayant cependant rappelé l’existence et l’importance de ceux qui travaillent « quelque part ».

Et cette idée de mutualisation des espaces a séduit des entreprises et des professionnels désireux d’engranger les avantages d’un travail « à distance », sans les contraintes et inconvénients de l’assignation, volontaire ou non, à domicile.

Aujourd’hui, avec les tensions sur l’immobilier professionnel qui se dessinent, les professionnels du secteur voient aussi une opportunité au développement de tels espaces. Soit dans le cadre de reconversion de plateaux désormais inoccupés. Ou comme relais de croissance pour leur secteur.

Une conjonction favorable des planètes, donc, pour reprendre lorsque les contraintes sanitaires seront levées, le développement de ces espaces professionnels d’un nouveau type ? Ce n’est pas certain.

 

Les tiers lieux n’existeront qu’en lien avec les mobilités

Le premier obstacle au développement des « tiers lieux » est celui des mobilités. Car le monde du travail n’est pas qu’urbain, et destiné à une population de « slashers », de « start-uppers », d’indépendants dont les instruments de travail sont le téléphone et la tablette, comme extension d’une activité purement cérébrale, et très individuelle. Et lorsqu’on habite en zone péri-urbaine, aller dans un « tiers-lieu » plutôt qu’au « bureau », dès lors que les deux espaces sont en centre-ville, n’a pas beaucoup de sens (si ce n’est encore une fois, pour des raisons purement immobilières).

L’opportunité d’un tiers-lieu apparaît s’il permet de réduire le temps de trajet. Un trajet que l’on effectuera, autant que possible, « sans sa voiture ». Pour des raisons environnementales ou économiques. Dès lors, les « tiers-lieux » ne peuvent raisonnablement s’implanter que là où les infrastructures et services de mobilité existent déjà. Pour pouvoir s’y rendre, tout d’abord. Et aussi pour permettre des déplacements au cours de la journée de travail, pour rejoindre les plus grands centres urbains, ou d’autres centres de « tiers lieux ».

Les mobilités lourdes (le « mass transit ») seront donc toujours indispensables, et sollicitées. Et le développement des tiers lieux pourra contribuer efficacement à l’étalement des pointes horaires, en retenant « sur place », pour au moins une partie de la journée, certains voyageurs qui utiliseront ces services à d’autres moments. C’est d’ailleurs, apparemment, l’idée développée par SNCF Gares et Connexions, même si c’est dans une modeste mesure de temps disponible, pour proposer à ses voyageurs des espaces conviviaux en gare pour leur permettre de travailler, en attendant un train. Une « salle d’attente » moderne, connectée.

En toute logique, les gares et quartiers gares seront donc les espaces privilégiés pour développer les « tiers lieux ». Et on se souviendra que les précurseurs de ces services, comme aux Pays Bas, s’étaient implantés dans des villes moyennes, mais à immédiate proximité des hubs ferroviaires.

 

La transformation du travail, aussi (et surtout)

Le deuxième obstacle que rencontrera le développement des « tiers lieux » est celui de la transformation du travail.

Car utiliser ces services fait appel à d’autres compétences et pratiques que le « télétravail » tel qu’il est perçu aujourd’hui. Prendre l’habitude de travailler dans un espace partagé avec d’autres professionnels, qui ne font pas partie de votre entreprise, c’est faire le pari de l’ouverture. Avec des contraintes sur la confidentialité du travail. Mais aussi avec des opportunités sur les rencontres faites – et ceci d’autant que les usagers des tiers lieux peuvent être des « occasionnels » comme des « réguliers ». Là encore, les expériences des précurseurs doivent être exploitées. Comme, par exemple, le principe de compétences disponibles affichées, et susceptibles d’être sollicitées par les autres usagers de l’espace.

Une formidable opportunité de travail collaboratif, de synergies, pour des indépendants. Mais pour des salariés d’entreprise, une tentation, une fenêtre ouverte ?

Car si le « travailleur à domicile » est isolé, et donc captif – en tous cas autant que son lien d’appartenance n’est pas rompu -, celui du « travailleur en espace partagé » est potentiellement immergé dans des interactions multiples. Sa plus-value et son attention sont alors les cibles potentielles de sollicitations, bienveillantes ou non. Pour rejoindre une autre entreprise ou faire le choix de l’indépendance par exemple. Les entreprises et les managers sauront-elles s’y préparer ? Pour retenir leurs talents. Et pourquoi pas, jouer de ces opportunités pour développer un « écosystème » de compétences et d’alliances ?

Là encore, l’expérience des entreprises internationales multi-sites peut apporter quelques clés, puisque beaucoup d’entre elles mutualisaient, entre services, des plateaux sur lesquels votre voisin était rarement rattaché aux mêmes fonctions. Enjeux de concurrence et de synergies intra-entreprises, certes. Mais parfois, « protégez moi de mes collègues, mes concurrents, je m’en charge »…

Alors, au-delà des opportunités d’économies immobilières, les entreprises tentées par ces nouvelles organisations devront aussi investir sur la plus belle des transformations : celle des pratiques professionnelles.

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Rédigé par Alexis Kummetat

Publié dans #Management, #Territoires, #Social change, #Transformation 3.0

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Publié le 11 Décembre 2019

Centraliser ou décentraliser l’organisation : avant tout un enjeu collaboratif

Que ce soit dans l’entreprise ou dans la sphère publique, les organisations oscillent régulièrement entre centralisation et décentralisation. Recherche d’une organisation idéale ? Mode du moment ou tocade  managériale ? Et si on considérait autrement ces changements ?

 

Au point de départ de cette réflexion, il y a tout d’abord une conviction : il n’existe pas d’organisation idéale. Si c’était le cas, les cabinets de consultants internationaux, qui animent le partage des « meilleures pratiques » à l’échelle mondiale, l’auraient déjà trouvée et vendue à prix d’or. 

Pourquoi engager alors les organisations dans ces changements somme toute assez fréquents ? Par goût du « changement », par besoin de vendre de nouvelles idées, ou bien pour imprimer sa marque ? Au-delà des procès d’intention ou des réalités de la vie des entreprises, il y a un constat : puisqu’il n’existe pas d’organisation idéale, le déplacement du balancier entre central et local oblige, à chaque fois, à une remise en question des relations entre ces deux pôles. Et c’est ce questionnement qui, à condition de ne pas être trop fréquent - car tout changement provoque, au moins un temps, une baisse d’efficacité -, peut être vertueux. 

Certains le décident ou l’acceptent avec humilité, et ils reconnaissent ainsi la maîtrise par nature incomplète des multiples interactions dans les organisations complexes et, pragmatiques, acceptent la difficulté de l’art de manager. Mais d’autres recherchent l’incompétence, la faute voire la culpabilité des prédécesseurs, et ceci n’est guère productif, même si cette voie est la plus « simple ». Car lorsqu’on cherche des coupables, on ne trouve jamais de solutions.

 

La matrice, ou le pouvoir de faire ensemble

La traditionnelle opposition entre centralisation et décentralisation a laissé la place, dans le vocable moderne, aux organisations matricielles - à deux dimensions voire plus. Au-delà des mots, cette dernière acception a le mérite de faciliter, plus que l’opposition entre centralisation et décentralisation, la compréhension des véritables enjeux d’équilibre et de complémentarité, pour l’ensemble de l’entreprise.

C’est alors que la perception de ce qu’est le « pouvoir » est cruciale. 

Un ancrage dans la perception archaïque du pouvoir comme domination, à la Max Weber, est à la fois inefficace et destructrice. Car le « dominé » n’aura de cesse que de résister, voire de se venger au prochain coup de balancier, qui viendra inévitablement. Alors que tous les corps de l’entreprise doivent non pas chercher la neutralisation voire la destruction de l’autre, mais bien fonctionner ensemble. Sinon, c’est que certains sont de trop ; mais pourquoi donc entretenir un corps hostile dans ses rangs, lorsque les ressources humains, matériels et financiers sont rares ?

Alors, que ce soit entre « échelon central » et « structures délocalisées », ou « directions fonctionnelles » et « maille territoriale », l’enjeu est toujours d’animer la complémentarité, en considérant le « pouvoir » non comme une domination, mais comme une relation, à la Hannah Arendt : le pouvoir de faire ensemble. Ou bien la relation comme modalité de l’équilibre des « pouvoirs »

Car contrairement à beaucoup d’idées bien ancrées, il n’y a pas de hiérarchie des talents entre les centraux et les décentralisés, entre les fonctionnels et les opérationnels. Sauf, peut-être, pour ceux qui croient que les idées pures l’emportent toujours, même si elles ne sont pas mises en œuvre... En effet, si l’analyse théorique et l’élaboration de décisions complexes nécessitent de vraies compétences, la mise en œuvre concrète des stratégies adoptées relève également de talents précieux. Car il s’agit de confronter la théorie à la pratique, et d’affronter le réel - le brouillard de la guerre -.

 

Une culture française taylorienne, hiérarchique ?

Pourtant, la culture française demeure verticale, hiérarchique. Au mieux, on « consulte la base ». Et on privilégie souvent l’esprit théorique à l’esprit pratique, en les inscrivant dans une hiérarchie sans lien avec les valeurs ajoutées de chacun. La noblesse revient donc traditionnellement à la « stratégie », quand l’exécution serait de l’ordre du subalterne, à l’exécution obéissante voire aveugle.

Fantasme scientiste hérité de la pensée de Taylor, ou les hommes sont interchangeables, entre eux ou par des machines ? Ou bien mythologie de l’homme providentiel ? Aux nostalgiques de « chefs » traditionnels et charismatiques, verticaux et omniscients, on conseillera par exemple, puisqu’ils s’y réfèrent souvent sans les connaître vraiment, de sortir de la caricature confortable et de suivre précisément les trajectoires professionnelles des meilleurs chefs de nos armées, dans une alternance organisée entre commandement opérationnel et travail en état-major. Parce que ces doubles expériences leur permettront mieux connaître et comprendre les atouts et contraintes de l’autre – qui demeure un égal puisque la fonction prime sur le grade - , et de faciliter, dans l’action et la responsabilité du commandement, un travail collaboratif efficace.

Au-delà des caricatures et appréciations morales, la « prééminence » traditionnelle de l’échelon central sur le niveau local a plusieurs défauts :

  • Il enferme les talents dans des parcours professionnels limités, et prive l’entreprise dans son ensemble d’une vertueuse irrigation ;
  •  Et lorsque le balancier revient au « terrain », celui peut vouloir se venger des périodes passées.

Présente également dans beaucoup de nos organisations, la culture anglo-saxonne s’inspire beaucoup plus de l’équilibre des pouvoirs. 

Alors, la tentation, en France, peut être de revendiquer une forme d’exception culturelle. Et de s’attacher, sans cesse, au culte du chef infaillible, vertical, souverain. Mais dans un monde multipolaire comme l’est celui de nos nations et de nos entreprises, sans négliger les spécificités culturelles de toutes les organisations, même au-delà des relations capitalistiques, il est à la fois plus réaliste et plus honnête de rechercher des synergies que des dominations. Et d’animer le travail collaboratif entre des directions centrales et les échelons locaux. Parce que les premières sont porteuses d’expertises toujours en évolution mais aussi de partage et de développement des compétences qui s’épanouissent partout – réservoirs d’expertises - . Quand les seconds sont chargés à la fois de la production, mais aussi forces d’initiatives, de propositions et de contributions à la performance de tous – réservoirs de forces - .

 

La proximité client retrouvée, avec le « phygital »

La proximité auprès des clients (customer centricity, ou « orientation client », dans les anciennes acceptions) est un point d’application intéressant de ce mouvement d’alternance entre central et local. 

Nous sortons en effet de l’excitation des premières années de la « transformation digitale » qui en ont convaincu beaucoup que le « client » pouvait être connu intimement au travers des données numériques et d’un outillage technologique coûteux mais indispensable : la connaissance du client comme production exclusive du marketing digital... Et nous revenons dans le temps du réel, dans lequel la transformation numérique - et donc la proximité revendiquée avec le client - retrouvent pleinement leur dimension humaine : car « l’essentiel est à l’intérieur ». 

Dès lors, la connaissance du client retrouve sa place au travers d’une relation avec le « commercial », voire même avec le « producteur » lui-même, meilleur ambassadeur de ses propres compétences et contraintes. C’est le retour à la proximité physique – liftée à l’ère moderne sous le vocable de « phygital », pour tirer profit malgré tout des investissements précédents. Et donc, mécaniquement, au retour de l’échelon local.

Après les investissements technologiques et les propositions voire les injonctions savantes des directions centrales aux « courroies de transmission » locales, ce changement peut s’annoncer rude pour beaucoup d’organisations.

 

Avant tout, l’équilibre des pouvoirs, comme capacité à agir ensemble

Encore une fois, les choix précédents n’ont pas été le fait d’erreurs stratégiques, mais ceux d’un cycle normal dans toutes les organisations (tous les dix-quinze ans au cours des dernières décennies). Dans certaines – en particulier celles riches d’une culture ingénieriale, toujours à la recherche d’un idéal scientifique, ou celles, plus bureaucratiques, qui considèrent les échelons locaux comme ceux de l’exécution obéissante -, le balancier est peut-être allé un peu loin vers la prééminence du central et le manque de reconnaissance de la plus-value. Il ne faudrait pas que la volonté de changement se traduise par l’excès inverse : par choix stratégique, ou par volonté de revanche des partisans de la délocalisation dont l’heure est enfin arrivée.

L’approche matricielle peut être décriée par les partisans d’une société verticale et monolithique. Elle est pourtant une modélisation, voire une visualisation, de la complémentarité entre toutes les ressources de l’organisation et de l’équilibre des tensions. Parfois aussi des confrontations entre celles-ci et de leur résolution, au profit de l’action collective, dans la pérennité, grâce à la pleine contribution de tous. Car la clé du succès collectif n’est pas d’avancer « en même temps », mais bien plutôt, « ensemble ». 

 

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Rédigé par Kaqi

Publié dans #Management, #Social change, #Territoires, #Transformation 3.0

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Publié le 4 Décembre 2019

Le pouvoir à l'épreuve du pouvoir

Dans les « pouvoirs publics » comme dans les entreprises, l’échec dans la mise en œuvre de dynamiques de transformations relève quasi-systématiquement d’une vision archaïque du « pouvoir ». Changer, c’est certes décider, mais ce n’est plus imposer.

 

Dans les habitudes de chacun comme dans une certaine forme d’inconscient collectif, le « pouvoir » en France semble être perçu au travers du seul prisme de la domination, de la contrainte : contrainte sur les corps, ou sur les esprits. Au-delà des remugles bourdivins ou foucaldiens, la perception dominante (c’est le cas de le dire) semble tout bonnement en être restée à la typologie de Max Weber et à ses trois leviers : rationalité, tradition et charisme.

 

Et pourtant : même si beaucoup déclarent aujourd’hui regretter « l’autorité » (mais surtout la leur, ou celle dont ils bénéficieront directement), cette perception des relations inter-individuelles et inter-organisationnelle est inefficace et même contre-productive.

 

Le scorpion et la grenouille

Dans la sphère politique, l’incompréhension d’un « Jupiter » autoproclamé devant son échec à dominer la dynamique multipolaire et polymorphe des décideurs européens, puis de ceux de l’Alliance Atlantique, témoigne de l’archaïsme d’une approche verticale et sacrée d’un pouvoir monolithique « à la Française », au-delà de la promesse d’un « nouveau monde ».

Dans le champ des collectivités locales et de leurs agences, la tendance est souvent plus à incarner un rôle qu’à agir vraiment. On dépense des budgets dont on est dépositaire, avec le souci du public ou celui de sa reconnaissance personnelle. Dans le pire des cas, beaucoup de ceux qui y ont eu affaire ont pu faire face à des tentatives d’autoritarisme et de posture statutaire de représentants qui « ne vous permettent pas de… » parler, proposer, imaginer… Alors que les ressources se font rares et que les compétences privées s’affirment, dans de nombreux champs de l’action publique locale traditionnelle, et qu’il pourrait être opportun de penser aux complémentarités.

Dans les entreprises à histoire ou à culture monopolistique, ou dans celles qui ont conservé des modes de management post-tayloriens, le changement est souvent proclamé, parfois en cours, quelques fois à marche forcée, sous la contrainte de l’extérieur. Mais on retrouve aussi les vieux réflexes de « domination » lorsqu’il s’agit des relations de client-fournisseur, ou de relations avec des « start-up » qu’on ne peut s’empêcher, in fine, volontairement ou non, de tuer ou d’absorber, et donc mettre fin à leur originalité, ou encore de management avec des générations ou des talents dont on fustige la volatilité, tout en recherchant l’agilité.

Le syndrome du scorpion et de la grenouille, dans tous les cas…

 

Mieux travailler ensemble

Le recours à l’autorité verticale, hiérarchique, statutaire (celle du « charisme » flattant encore plus l’ego) est sans doute plus due à une incompétence à travailler autrement qu’à une véritable nostalgie de structures traditionnelles dont on sait bien, à la seule visualisation de son téléphone mobile ou des interactions quotidiennes, qu’elles sont obsolètes.

Et devant l’échec, le réflexe est si souvent de tenter « toujours plus de la même chose » : plus d’agressivité, plus de violence, plus de dépenses, plus de mépris… et toujours plus d’isolement. Ou de choc contre ce terrible mur de la réalité qui refuse de céder…

Dans notre monde multipolaire, que ce soit au plan politique comme dans la vie des entreprises, l’approche dominatrice n’a ni valeur ni efficacité. Car il convient plutôt de nouer des alliances, de mieux travailler ensemble. De s’inspirer d’Hannah Arendt, qui propose une approche du pouvoir comme relation (faire avec), plutôt que celle de Max Weber.

Partout, la volonté de dominer se heurte à la réalité des moyens disponibles, et non aux coups de menton. Et lorsqu’il s’agit de relations humaines, le résultat demeure profondément ancré dans le cerveau reptilien : « fight or flight ! ». Et les meilleurs talents trouveront toujours un meilleur point de chute, où leurs compétences se déploieront – à moins qu’ils ne persévèrent pour revenir, plus tard, vous concurrencer directement.

 

L’inclusion des synergies et des talents

Dans tous les cas, si le pouvoir est bien celui de faire avec, il est indispensable, et en tous cas infiniment plus efficace, d’adopter des stratégies et des pratiques véritablement « inclusives » : celles qui associent les synergies qui s’expriment, et les talents dont on a besoin pour avancer, pour progresser, pour gagner. 

Car l’inclusion n’est pas celle du monde des « bisounours », pas plus que la prise de décision et l’action collectives ne sont toujours celles de tous. Car les synergies se déterminent, se décident, s’animent.

La question du « sens » est un sujet récurrent – un marronnier ? – dans le monde managérial Pourtant, ce n’est pas une mode, mais une question fondamentale, en particulier lorsque les sujets sont complexes et difficiles. Et il devrait l’être aussi dans le monde public, au plan national mais aussi local, et pas seulement en raison de contraintes budgétaires.

Quel objectif poursuivons-nous ? Pourquoi ce choix ? Et sur quels partenaires devons-nous nous appuyer pour réussir ? Mais ce questionnement initial est aussi celui de l’humilité, car il témoigne du besoin des autres. Et il précède un regard sur les autres, destiné à les comprendre et les accompagner, plus qu’à les conquérir.

Car le pouvoir n’est pas qu’un nom ancré dans l’immobilité, à imposer. Il doit avant tout être compris comme un verbe, au service d’une dynamique, à partager.

Alors, êtes-vous prêts à « pouvoir faire avec » ?

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Rédigé par Kaqi

Publié dans #Management, #Social change, #Transformation 3.0, #Territoires

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Publié le 5 Août 2019

Entrepreneurs, adoptez le modèle Jedburgh !

Le monde militaire, ou la perception que l’on en a, inspire parfois les décideurs économiques, confrontés aux aléas des marchés et de la vie des entreprises. La guerre irrégulière, si actuelle tout en étant aussi ancienne, doit aussi faire partie des sources d’inspirations.

 

Depuis la fin du service militaire, il existe, quand on ne souhaite pas faire du métier des armes son engagement principal, des dispositifs de préparations militaires, de service volontaire et de réserve opérationnelle, comme autant d’opportunités d’enrichir son expérience de vie et d’acquérir des compétences originales, pour soi et les autres. 

Pour celles et ceux qui souhaitent découvrir et expérimenter les pratiques des hommes de guerre, lors de périodes plus courtes mais humainement denses, individuellement ou avec leur équipe, il y a notamment les excellentes initiatives de Saint Cyr Formation Continue[1], ou d’anciens des forces qui se reconvertissent dans le développement managérial.

Et puis pour tous, il y a aussi la production régulière de littérature militaire, ou plus généralement stratégique. On n’y expérimente pas, dans sa chair et sa volonté, de moments forts. Mais on peut y apprendre beaucoup. 

Loin d’être réservé aux spécialistes de la chose militaire, le très complet ouvrage d’Elie Tennenbaum sur les « guerres irrégulières »[2]peut être une source d’inspiration pour beaucoup de décideurs économiques voire politiques et, en cette période de congés propre à la prise de distance, une lecture d’été.

 

Sortir de l’enlisement

La guerre irrégulière du XXe siècle est née du constat d’enlisement lors de la première guerre mondiale. Le conflit était bloqué dans la guerre des tranchées. Pour conquérir du terrain (les chefs d’entreprise parleraient de « parts de marchés »), il fallut penser différemment. Arrêter de faire « toujours plus de la même chose ». Passer derrière les lignes avec des équipes autonomes et atypiques, « changer de damier » en frappant le moral des troupes et de l’arrière… 

Pendant la deuxième guerre mondiale et tout au long du XXe siècle, cela donnera notamment la création des commandos, avec leur esprit et leurs compétences, des forces spéciales et de leurs concepts d’emploi, des opérations psychologiques, des maquis, de leur soutien et de leur animation, de l’insurrection et de la contre-insurrection…

Autant de sources d’inspiration pour les entreprises qui doivent faire face, non pas à un ennemi que l’on doit défaire, mais à des concurrents et à des contextes exigeants, auxquels on doit s’adapter pour les maîtriser.

 

L’esprit Jedburgh pour conquérir des territoires

Tout le monde connaît, ou imagine au moins, la forme et l’esprit « commando ». Des équipes d’élite, surentraînées, suréquipées, soudées, polyvalentes, rompues aux opérations spéciales, prêtes à l’impossible… Des femmes et des hommes d’exception, qui suscitent l’admiration.

Dans le monde de l’entreprise, on utilise parfois le terme : dans cet univers, une opération « commando » est synonyme de brièveté, de moyens dédiés, d’hommes et de femmes déterminés. Est-ce seulement cela ?

Pour en savoir plus sur l’âme des commandos, on pourra écouter – là encore, l’été est favorable -, l’entretien avec l’Amiral Marin Gillier (qui s’était fait connaître du grand public en se faisant « tarponner » avec son homologue du GIGN lors de la libération du voilier Ponant), sur le podcast de l’IRSEM « Le Collimateur » du 9 juillet[3]. On y retiendra, parmi tant d’autres choses et moments forts, combien les « styles » de commandos sont différents d’une armée à l’autre : face à une même difficulté, certains sont déterminés à guider la force jusqu’au bout, d’autres à tenir le terrain, et d’autres encore à disparaître pour revenir plus tard… Et les différences sont encore plus grandes d’un pays à l’autre.

Pour les entreprises, si l’on veut dépasser le seul slogan de l’opération « commando », il ne peut donc pas exister un seul « modèle », mais plutôt des principes d’entraînement, de préparation et d’action qui s’appliquent à une culture d’entreprise donnée, à un contexte et des objectifs particuliers, et qui s’appuient sur des ressources spécifiques. Du « sur-mesure ».

 

Tout aussi inspirants et imaginés à la même période, mais pour des opérations encore plus atypiques, Elie Tennenbaum rappelle la création des équipes Jedburgh qui susciteront, après la seconde guerre mondiale, de multiples opérations de « guerres irrégulières ».

Pour l’entreprise, l’idée des Jedburgh semble encore plus pertinente que les « commandos ». Car plutôt qu’une opération de vive force, il s’agit, avec des moyens très limités (3 personnes), de conquérir un territoire, en s’appuyant sur les populations qui y vivent. Pour des projets de services aux territoires, ou pour des conquêtes de nouveaux marchés, cette approche est plus pertinente que d’engager un coup de force. Car en termes de « guerre commerciale », il faut tenir la durée…

La répartition des rôles au sein du trinôme de Jedburgh est importante : en résumant, il s’agit d’un représentant des forces principales, un représentant (ou au moins un spécialiste) des populations concernées (les sociologues parleraient d’un « marginal sécant »), et un technicien. Et ces trois là se sont choisis, et entraînés ensemble. La cohésion est clé.

Pour les analogies de dynamiques d’entreprise, la leçon est forte : il s’agit de s’assurer d’un vrai travail collaboratif entre des personnalités (et des entités) a priori très différentes. Le représentant de l’entreprise principale, garant de l’adéquation à la stratégie adoptée (les forces parlent de « l’intention du chef ») et de la capacité de déploiement des moyens nécessaires ; l’acteur ancré sur le territoire (physique ou économique), qui en connaît les spécificités, et permettra l’adaptation des actions engagées; et l’expert, qui pourra apporter des moyens technologiques et en assurer la mise en œuvre. Aucune prééminence entre les trois mais une complémentarité garante de l’innovation, de l’adaptation, du succès.

Que ce soit au niveau d’un trinôme ou d’équipes plus conséquentes, ces principes d’équilibre et de répartition des rôles sont très inspirants.

 

Intégrer l’atypique ?

Enfin, un constat émerge à la lecture de ce livre : tout au long des décennies et événements évoqués, la conduite des guerres irrégulières fait l’objet de véritables fractures au sein des armées et des politiques qui les dirigent. Car la conduite « irrégulière » des conflits fait appel à des pratiques, et sans doute à une philosophie, clivantes. L’opposition entre « partisans » et « centurions » renvoie à la double identité des militaires : à la fois soldats et fonctionnaires. Ils sont ceux qui ont choisi à la fois le métier des armes et le service de l’État. Et à ce titre, le parcours professionnel des spécialistes des guerres irrégulières (recherchés, formés, puis écartés, et ensuite recrutés aux marges…) illustre la difficulté des institutions classiques – certains diraient « bureaucratiques » - à intégrer voire accepter des personnalités et compétences « non conformes ». 

Le parallèle avec les grandes entreprises vient alors à l’esprit. Face à la « disruption », elles cherchent parfois à se doter de compétences atypiques, en recrutant des talents ou en acquérant des équipes, souvent en payant le prix fort. Elles créent une direction, une filiale, affirment leur capacité à affronter les nouveaux défis. Mais, dans la pratique, elles pêchent ensuite à conserver ces personnalités particulières, et à utiliser ces compétences pour s’adapter, voire se transformer. 

L’opposition entre « partisans » et « centurions » est-elle inévitable car essentielle ? Ou peut-on imaginer une « fertilisation croisée » ? Le débat est ouvert !

 

[1]www.scyfco.fr

[2] « Partisans et centurions : une histoire de la guerre irrégulière au XXe siècle », 2019, Éditions Perrin

[3]https://www.irsem.fr/publications-de-l-irsem/le-collimateur.html

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Rédigé par Alexis Kummetat

Publié dans #Management, #Territoires, #CIMIC

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Publié le 13 Octobre 2016

Après Samsung : êtes-vous "connectés" à vos clients ?

L’accident industriel et financier que connaît Samsung avec son Galaxy Note 7 est une crise telle qu’en rencontrent beaucoup d’entreprises. Au-delà des impacts immédiats sur le cours de bourse et, demain, sur la « réputation » de la marque, cet événement peut aussi permettre d’évaluer la qualité de la relation d’une entreprise avec ses « territoires ».

 

Les entreprises négligent trop souvent, en matière de relation client, l’affectif. Ou bien plutôt, elles réduisent cette relation au volet affectif de l’acte de consommation. Elles convoquent les études sociologiques, et maintenant le neuromarketing, elles élaborent des packagings, des campagnes de communication, pour stimuler les perceptions, les sens, voire les « émotions » afin de susciter, in fine, un acte d’achat.

Avec les technologies numériques, cette « relation » est projetée dans le monde virtuel : on anime des « communautés », on entretient l’apparence d’une interaction, que l’on confie déjà à des programmes d’intelligence artificielle, qui imitent – et tentent d’influencer - les comportements en ligne.

Mais le consommateur est, par nature, volage et infidèle. Car aucun marché n’est vraiment monopolistique, et la concurrence – et en particulier celle qui n’existe pas encore -  saura toujours trouver le moyen de gagner des parts de marché. Quant aux « communautés » virtuelles, elles n’ont de qualité que celle que l’on veut bien leur imaginer… jusqu’à une stimulation concurrente en fait. Car, en dépit des fantasmes projetés sur le big data et d’une hypothétique relation permanente, grâce aux objets connectés, aucune marque n’est propriétaire de ses clients.

Et puis surtout, lorsque survient une crise due, selon le style et les tropismes de chacun, au « destin », au « manque de bol », ou tout simplement, à l’accident ou l’imprévu, cette relation est mise à l’épreuve des émotions, les vraies. Celles qui provoquent des ruptures.

Aujourd’hui, avec Samsung, il n’y a pas de morts. Pas plus qu’il n’y en a eu avec les crises rencontrées par Deutsche Bank ou Volkswagen (en tous cas, pas directement). Ce n’est malheureusement pas le cas avec des accidents de transports aériens ou terrestres. Et les conséquences sont moins visibles que celles des événements catastrophiques de l’industrie pétrolière (Total, BP…).

 

Les accidents révèlent la qualité d’une relation

Pourtant, au-delà des victimes des accidents dont le traitement relève souvent seulement de la compensation financière, et trop rarement de la vraie compassion, tous ces événements révèlent la qualité de la relation d’une entreprise avec ses « territoires » : tant physiques que numériques.

Tout événement grave, et donc générateur d’émotions vraies, sera en effet perçu au regard d’une relation existante. La première réaction du spectateur – et encore moins de la « partie prenante » est rarement objective : elle se construit sur un crédit ou un procès d’intention. On « comprend », on peut même « excuser » l’événement tragique subi par une entreprise que l’on apprécie, peut-être même y compatir - personne ne peut prévoir l’imprévisible. Mais, en raison du « biais de confirmation », on est impitoyable avec une entreprise à laquelle on prête des intentions ou des pratiques « coupables » (chacun pouvant y mettre le sens qu’il souhaite).

 

Beaucoup d’entreprises, dans leur anticipation des crises, prennent donc en compte leur « réputation ». Et elles flattent, souvent, des « relais d’opinion » afin que, le moment venu, elles puissent compter sur eux. Mais soutiendrez-vous une entreprise en difficulté parce qu’elle vous a offert un cocktail, ou même des échantillons de ses produits ? En matière de relation, il n’y a aucune de « reconnaissance du ventre ».

Une deuxième étape, dans la construction d’une relation, consiste à mieux se connaître. A l’heure numérique, les entreprises se flattent de mieux connaître leurs clients et, avec les algorithmes du big data, affirment pouvoir, demain, mieux les connaître qu’eux-mêmes… Mais pour se faire connaître, c’est l’affaire de la « communication ».

Pourtant lors de l’accident, par nature imprévu, les perceptions se réalignent avec les réalités. Et tout décalage se traduit en déception et en défiance. Car le client ne se blâme jamais lui-même d’une confiance mal investie, il en fait porter la faute à l’autre.

Une relation ne se construit pas seulement de l’information que chacun fournit à l’autre, volontairement ou non. Elle se nourrit de ce que chacun y apporte, et de ce que les deux parties prenantes partagent, au-delà de la relation commerciale et contractuelle de client-fournisseur.

 

Construire mieux qu’une relation : une connexion

Une relation peut être à sens unique. Une connexion relie les deux parties.

Toute entreprise a ses territoires, même pour les acteurs du numérique : un lieu où se noue le contact. Et ces territoires sont, potentiellement, des lieux où une action commune peut prendre forme, pour construire un présent et un futur communs. Car la plus solide des connexions est celle de la construction partagée : la co-construction, pour reprendre le terme en vogue.

Lors d’une crise, ces acteurs ne sont alors pas seulement des spectateurs, ils sont des parties prenantes, et s’engagent comme telles. Relais d’information, pédagogues, défenseurs et promoteurs.

Mais la construction de cette connexion nécessite de vrais choix stratégiques et opérationnels. Car construire avec, c’est ouvrir ses portes avec sincérité, et inclure l’autre. Ne pas le considérer seulement comme consommateur. Ni même comme « consomm-acteur », où le client génère lui-même une partie du service qu’il paie. C’est le considérer comme un partenaire.

A l’heure du numérique, alors que la proximité peut s’affranchir des contraintes physiques, les entreprises connectées à leurs « territoires » ont la chance de pouvoir renouveler les dynamiques des « entreprises élargies » : des réseaux de partenaires fiables et fidèles, avec leurs compétences et leurs capacités de démultiplication, mobilisables en fonction des besoins, des projets.

Et au premier rang de ces partenaires se trouvent les clients. Ces partenaires-clients-fournisseurs constituent le plus proche écosystème de l’entreprise. Sa première ligne d’action et, le cas échéant, de défense. Et son premier vivier de recrutement, à l’heure de la « guerre des talents ».

Alors cela nécessite bien sûr de l’agilité – pas la « méthode », mais bien la qualité -, pour s’adapter à des acteurs d’autres cultures organisationnelles et les intégrer pleinement, et de l’humilité – pour reconnaître et bénéficier de leurs compétences -. Ce sont peut-être là les vrais changements stratégiques que l’entreprise connectée doit opérer.

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Rédigé par Kaqi

Publié dans #Management, #Territoires

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Publié le 26 Juin 2014

L’article « Comment la France est en train de tuer le TGV » paru le 23 juin dans les Echos a le double mérite d’attirer l’attention et de partager des éléments factuels sur les enjeux que rencontre la SNCF (et demain, avec RFF) avec l’offre TGV. Cependant, au-delà des enjeux économiques et organisationnels propres au système ferroviaire, le TGV révèle aussi des faiblesses collectives françaises et, en creux, des enjeux partagés.

Le TGV comme image, ou comme usage ?

Les Français, malgré une tradition cartésienne, adorent avoir recours à la pensée magique : une nouvelle organisation nécessairement idéale permettra de retrouver des synergies entre équipes, un homme ou une femme naturellement providentiel(le) adaptera 60 millions de concitoyens aux transformations du monde, l’inévitable retour d’un cycle économique favorable apportera une croissance retrouvée… Et, en cette fin de période de grèves ferroviaires, le TGV apportera évidemment à un territoire attractivité et emplois.

Et si on appliquait à ce sujet passionnant et passionnel des méthodes de décision et d’action issues de l’entreprise, en commençant par se poser la question : un TGV, pour quoi faire ?

Retrouver une cohérence entre investissements et offres de transport

Avant la création de RFF, la SNCF pouvait promouvoir, auprès de sa tutelle publique, la réalisation d’infrastructures sur lesquelles s’appuieraient ses futures offres de transport. Sans doute était-ce aussi d’autres temps, alors que la dette publique pouvait encore être acceptée, ou plus simplement négligée. Mais au moins, il y avait une cohérence entre les deux constituants d’une offre de transport à grande vitesse : l’infrastructure et les services.

Avec la création de RFF, la tentation est née de « saupoudrer » les investissements pour acheter une forme de « paix sociale », parfois presque indépendamment de la pertinence économique des futures offres.

De plus, et comme dans d’autres cas de création d’entités par scission, RFF s’est constitué « contre » la SNCF. On entendait en effet qu’il était indispensable de donner des gages d’indépendance dans la perspective de l’ouverture du marché ferroviaire à de « nouveaux entrants ». Intellectuellement, pourquoi pas. Et puis, on entend tellement qu’il faut toujours « tuer le père »… Mais dans la pratique, la SNCF était sur les trafics voyageurs, et est encore jusqu’à présent, pour la quasi-totalité des offres, l’opérateur unique, avec une connaissance historique du réseau et des marchés.

Refuser des synergies avec l’opérateur historique de transport, au moins prospectives et non exclusives de l’ouverture à d’autres, c’était alors se priver d’expertises naturellement rares (car en l’absence d’un marché concurrentiel, la formation est assurée par l’opérateur unique, c’est rationnel et économique). Et le recours à des prestataires externes, ou à des ingénieurs généralistes, ne pouvait qu’imparfaitement répondre aux besoins. Rajoutons-y les très français « conflits de castes » entre anciens élèves des différentes grandes écoles de la République, et le transfert de quelques cheminots désireux de « prouver » leur allégeance au nouvel établissement par une posture d’opposition radicale envers l’ancien employeur… Le manque de synergies était alors, si ce n’est inéluctable, hautement probable.

Bien sûr, on aurait pu objecter que la tutelle commune devait permettre de trancher des différents entre stratégies d’investissements. Mais a-t-on beaucoup vu de responsables politiques de premier plan, naturellement soucieux d’un « coup d’après » intimement lié à leur popularité, prendre le risque d’opposer un refus explicite ? Là encore, il a toujours été beaucoup plus prudent, et donc courant, de pratiquer le saupoudrage de projets, ou plus précisément le « phasage »… Un bout maintenant, un bout plus tard… au moins, vous pourrez dire que vous l’avez obtenu !

Alors, le regroupement des deux EPIC au sein d’une même structure résoudra-t-il les manques de synergie, et les enjeux de cohérence des infrastructures et des offres ? A la différence d’un cabinet ministériel dont les objectifs sont parfois contradictoires, un comité exécutif d’entreprise a vocation à adopter et surtout mettre en œuvre une stratégie cohérente, y compris (et surtout) en situation d’incertitude. Il n’est demeure pas moins qu’une unicité organisationnelle n’apporte pas de réponse magique aux enjeux d’interfaces et de synergies, qui reposent notamment sur les interactions humaines, la complémentarité des talents et des habitudes « culturelles », les process internes et les agendas propres… Et ceci d’autant, qu’à ce plus haut niveau des entreprises, on doit faire travailler ensemble des personnalités fortes, riches de leurs expertises succès et convictions : un vrai challenge.

Gageons que son Président, qui a déjà conduit avec succès de nombreuses transformations d’une SNCF encore percluse de rigidités statutaires, humaines et organisationnelles, réussira à animer une équipe élargie.

Plus que la baguette magique, la mobilisation de tous

Au-delà des critiques philosophiques qu’il peut susciter, le recours à la pensée magique a un inconvénient majeur : la déresponsabilisation de chacun et le réflexe du « passager clandestin ». Si tout finit par arriver par magie, pourquoi donc changer ses habitudes, se remettre en question, susciter la créativité, passer à la vitesse supérieure ? Il suffit seulement de trouver le bon magicien – ou le bon intercesseur.

Jusqu’à présent, et encore aujourd’hui, beaucoup des élus locaux ont toujours voulu « leur » TGV, perçu comme porteur de dynamiques positives.

Et si les projets TGV suscitent des oppositions, c’est le plus souvent en raison des impacts environnementaux des infrastructures, bien souvent liés à d’importants enjeux financiers de « compensation » des territoires traversés : des sujets traités pris en compte par RFF et la Commission Nationale du Débat Public dans le cadre des démarches institutionnelles de « concertation », et générateurs de millions d’euros de prestations de services, de transferts financiers et d’aménagements divers.

Aujourd’hui, on commence aussi à entendre des oppositions liées à l’étranglement financier de l’Etat et des collectivités, et à d’éventuels arbitrages entre projets d’infrastructures, mais aussi entre investissements de transports et dépenses sociales, ou tout simplement de hausses d’impôts…

Mais toujours, le TGV est revendiqué par ses promoteurs, implicitement ou explicitement, comme le vecteur d’un « coup de baguette magique » évidemment bénéfique.

Alors, lorsque certains élus justifient la nécessité de « leur » TGV en avançant que l’offre créera le trafic, il serait aussi utile de se poser les deux questions suivantes : prenez-vous vraiment le TGV pour le plaisir du voyage, ou le prenez-vous pour aller dans un territoire dans lequel vous voulez travailler, ou visiter ? Et qu’attendez-vous de « votre » TGV ? De vous permettre d’aller (où ?), ou de faire venir ? Des villes dortoirs aux gares-betteraves, les exemples d’échecs, au moins pendant quelques (dizaines d’) années, illustrent la limite de cette croyance en une création de valeur « automatique », et rappellent que le succès tient à la mobilisation de tous.

Passer du « en êtes-vous ? » au « que faites-vous ? »

Quand on évoque les offres ferroviaires, mais plus généralement tous les projets d’aménagement, le sentiment de « déclassement » que l’on perçoit tient à la place très française du « statut ». « En êtes-vous » ou pas ? Enarque (dans la botte ou pas ?), ingénieur (mais de quelle école), ville TGV ou pas….

Plutôt que d’évaluer l’autre au regard de ce qu’il « est » – et de s’auto-évaluer ainsi -, ne serait-il pas plus pertinent de se demander de ce qu’il « fait » ? De passer d’une vision statique, figée dans le passé, à une vision dynamique, tournée vers l’avenir ?

D’ailleurs, le TGV est-il encore « la France » ? C’est indubitablement encore un très bel outil, actualisé, modernisé, et que beaucoup nous envient. Mais faut-il que la France soit figée dans ses gloires passées pour n’avoir à afficher au plus haut qu’une invention des années 70, même actualisée.

Alors, bien sûr, le TGV est un vecteur d’image. L’est-il parce qu’on « en est » (ou pas) ?

Aujourd’hui, toutes les grandes villes voient s’arrêter le TGV, ne serait-ce qu’à vitesse « normale » - une des réalités que pointe l’article des Echos. Est-il donc désormais un critère discriminant ?

Vecteur d’image, il l’est au moins à l’occasion de la mise en service d’une nouvelle offre parce que, pendant un temps réduit, on met sous les feux de l’actualité un territoire desservi, qui devra se présenter sous son meilleur jour.

Ce moment de la mise en service est en soi un enjeu car les premières impressions sont souvent pérennes. Et si le quartier gare n’est pas convenablement aménagé, s’il est difficile de se rendre à la destination de son choix, par les transports collectifs ou en voiture individuelle, si l’offre touristique n’est pas à la hauteur de l’image projetée (la qualité des hôtels, de l’accueil, des services…), si les entreprises ne sont pas attractives, on oublie vite « l’effet TGV ».

De plus, après le premier moment de curiosité, les choix se font plus rationnels. Et le TGV n’est alors plus un vecteur d’image, mais un objet d’usage.

Le TGV comme usage : les nouvelles pratiques

A l’heure de la communication instantanée et de la démocratisation des transports (de proximité comme à grande distance), la mobilité physique se rationalise. On pense usage, et pas image. L’attractivité n’est plus liée au fait « d’avoir » le TGV, mais d’afficher un temps de parcours complet, de porte à porte : « à x heures de… ». Le voyage TGV n’est plus un événement, c’est une pratique, un moment.

Ce changement de paradigme de la grande vitesse est émergent, y compris dans les discours de certains décideurs politiques, une fois passées les premières déclarations, attachées à la dimension symbolique.

Un autre changement apparaît petit à petit. Historiquement, le TGV est fait pour aller à Paris, et dans l’idéal, en faire venir les partenaires et visiteurs.

Mais lorsque les métropoles régionales se développent au profit d’un grand bassin de vie, que les relations d’affaires se font avec les voisins européens ou avec des partenaires plus éloignés, l’enjeu est-il vraiment la liaison TGV avec Paris ?

Et quand il s’agit d’exiger des arrêts voisins sur une même ligne TGV, a-t-on vraiment pris conscience que, avec l’inertie de freinage et d’accélération, un TER est plus rapide qu’un TGV ? Là encore, faute de pédagogie, l’image perçue continue à l’emporter sur l’usage réel. Alors, si les perceptions sont importantes, et structurantes des rapports humains, il est aussi important de les actualiser, plutôt que de les considérer comme figées.

A l’heure des investissements, il est important de considérer la nature de l’effet TGV attendu : image ou usage ? Et de l’assumer alors comme tel.

Pour réussir les retours sur investissement : pédagogie et engagement

La grande vitesse ferroviaire est un objet complexe et passionnant car tenant à la fois au symbolique, individuel et collectif, et au technologique, dans de nombreux domaines.

Pour les passionnés du sujet, on ne peut évidemment que recommander l’ouvrage de référence réalisé par Michel Leboeuf « Grande Vitesse » (au Cherche Midi), qui permet de découvrir ou approfondir toutes les dimensions du sujet.

Pour tous, acteurs publics et privés, experts et utilisateurs, l’opportunité d’un investissement TGV gagne toujours à la confrontation des points de vue, des échéances, des perceptions, des projets. Car le débat, dès lors qu’il n’est pas revendicatif, mais contributif, génère de la cohérence, des synergies, de la création de valeur.

Et surtout, pour tous ceux qui font la vie d’un territoire, la clé du succès est de se poser la question centrale : et moi, que puis-je faire pour que cet investissement exceptionnel (parce que rare) s’inscrive dans un écosystème créateur de richesses, dont je serai moi-même acteur ? Puis de passer à l’acte, avec ses compétences, son énergie, ses capacités d’investissement, et de décision.

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Rédigé par Kaqi

Publié dans #Territoires

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Publié le 24 Novembre 2010

Logo Club TGV RR petitLe 1er décembre prochain, l'Observatoire national de l'Innovation Publique décernera à la région Franche Comté un prix "Territoria" dans la catégorie "Concertation - démocratie de proximité" au titre de son engagement dans le Club TGV Rhin-Rhône.

Cette initiative, proposée par la SNCF à ses partenaires publics et privés des territoires desservis par la future offre à grande vitesse (ouverture le 11 décembre 2011), vise à mobiliser les décideurs des mondes politique, socio-économique, consulaire, touristique... afin d'anticiper les effets de l'arrivée du TGV, et de les optimiser.

Lancé fin 2009, le Club TGV Rhin-Rhône a tiré les fruits de l'expérience engagée avec le "Club 320", lors de la mise en service du TGV Est, en démultipliant cette initiative, par une structuration ad hoc et un appui à l'animation renforcé.

Aujourd'hui, quatre "cercles territoriaux" (dont deux en Franche-Comté) animent, avec les spécificités de chaque bassin concerné, les réflexions et travaux en commun.

Et nous avons le plus grand plaisir d'accompagner cette belle démarche de mobilisation territoriale, aux côtés de la SNCF et des acteurs des cercles territoriaux, comme nous l'avions fait avec le Club 320.

Alors, cette distinction de la région Franche-Comté nous fait le plus grand plaisir !

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Rédigé par Kaqi

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Publié le 6 Octobre 2010

Fin connaisseur de l'entreprise pour y travailler depuis des années, mais plume libre, François Regniault poursuit sa narration des années de la présidence de Guillaume Pepy, et des transformations de cette entreprise unique*.

Car la SNCF n'est pas une entreprise comme les autres... Chacun l'aime et la déteste à la fois (dans des proportions variables, sans doute), et s'en sent, au moins inconsciemment, un peu "propriétaire" - à raison d'ailleurs, puisque son actionnaire unique en est l'Etat, et donc chacun d'entre nous -.

Pour les habitués de cette entreprise mais aussi pour tous ceux qui s'intéressent aux évolutions sociales, politiques et managériales, ce livre est une porte d'entrée et une clé de lecture qui se découvre comme une chronique.

Et puis, je ne résiste pas au plaisir de remarquer le clin d'oeil appuyé à la création des "Clubs TGV", "l'un des plus efficaces instruments de relations publiques que la SNCF a imaginés autour de ses futures dessertes TGV"..."pour réveiller des forces vives régionales bien passives devant l'événement annoncé".

"Instrument de relations publiques" ? Je décris plutôt les "Clubs TGV" comme une "action de mobilisation". Mais pourquoi pas... car en tous cas, nous sommes particulièrement fiers d'avoir accompagné la SNCF (et de continuer à le faire) dans la création et l'animation de ces dynamiques partenariales, comme nous le faisons pour les dynamiques managériales !

 

* Son premier ouvrage sur le sujet, paru en 2009, s'intitulait "SNCF, la mutation impossible". 

SNCF 86 421954"SNCF, la fin d'un monopole", chez Jean-Claude Gawsewitch Editeur

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Rédigé par Kaqi, le blog !

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Publié le 6 Octobre 2010

Kaqi est une société de conseil en management, conduite du changement et affaires publiques.

Notre métier : mobiliser les acteurs, afin qu'ils enrichissent et dynamisent votre projet.

Nous apportons à nos clients nos expertises, notre méthodologie pour les aider à structurer et animer leurs dynamiques managériales et partenariales.

Pour mieux nous connaître, n'hésitez pas à consulter notre site : www.kaqi.eu ou www.kaqi.fr

Parce que le conseil est aussi une prise de position, nous ouvrons ce blog, afin de partager notre regard sur la vie des entreprises et l'évolution de nos sociétés.

Et puis nous profiterons de cet espace d'échange pour partager avec vous la vie de certains de nos projets. Certains, seulement, car, comme tous les consultants, nous avons un devoir de confidentialité.

Mais parce que certains des projets que nous accompagnons sont publics et qu'ils contribuent au développement des hommes, des entreprises et des territoires, nous aimons ainsi contribuer à leur notoriété.

A bientôt !

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Rédigé par Kaqi, le blog !

Publié dans #Management, #Social change, #Territoires

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