Publié le 9 Juillet 2019
L’autorité est en crise, dans le monde public comme dans les entreprises, et on entend parler de dynamiques spontanées, émergentes, d’intelligence collective, de co-construction, de facilitation… Comment en finir avec ces idées qui brouillent les esprits et génèrent chaos et dysfonctionnements ?
Tout d’abord, soyez le chef !
Ce qui manque aux entreprises comme à tout projet public, c’est un vrai leadership. Quelqu’un qui sait où il va, sans hésitation, sans doute. Car le doute est source d’inquiétude, de contestation. Le chef est seul, toujours. C’est à la fois sa caractéristique et sa grandeur. Tout le monde n’y est pas préparé, et tout le monde n’est pas à la hauteur. Le système de sélection individuelle de nos grandes écoles est parfaitement adapté, d’ailleurs à ce monde concurrentiel : dès le plus jeune âge, nos élites sont préparées à se confronter les uns aux autres. Et c’est de cette confrontation que sortiront les meilleurs. Quant aux suivants, ils sauront à qui se fier, en toute confiance.
Contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, il n’existe pas plusieurs formes de leadership. L’autorité est verticale, elle ne se partage pas. Dans un scrutin, seul le premier l’emporte et les compromis autant de compromissions, par nature immorales. Les discussions sont des pertes de temps, sans valeur ajoutée, et une source de confusion pour les esprits faibles.
Organisez vos projets jusque dans le moindre détail
Par respect des autres, des délais et des dépenses, il est indispensable de planifier tout projet dans le moindre détail. Tout imprévu ne peut être dû qu’à une mauvaise planification, à un défaut d’analyse initiale, à une maîtrise insuffisante des aléas.
Une bonne organisation en amont permettra de définir, suffisamment à l’avance, les tâches de chacun, au moyen de règles explicites, de procédures détaillées, impérativement respectées.
Lorsque la feuille de route est établie, la marche collective n’échoue que parce que certains commettent des écarts, au nom de prétextes comme la liberté, de la créativité, de l’initiative, qui sont autant d’excuses pour désobéir. Les grandes armées ne fonctionnent efficacement que par la discipline et la mise en œuvre de règles établies avec précision. Face aux menaces de notre temps, les approches classiques, éprouvées, sont garantes du succès des opérations. Pourchassez les faibles et les coupables, remplacez les hommes par des machines, autant que possible, pour fiabiliser l’exécution.
Car, comme l’exprime l’adage, la confiance n’exclut pas le contrôle. Confiance dans les structures, contrôle des facteurs humains, qui sont toujours les maillons faibles.
Ne perdez pas de temps à partager votre objectif
Certains nous rebattent les oreilles avec la question du « sens au travail ». L’entreprise n’est pas une démocratie, et le domaine public est régi par des mécanismes électoraux qui, entre les scrutins, laissent la décision aux représentants élus.
La remise en cause, ou le simple questionnement, de l’intention du chef est à la fois un manque de respect des mécanismes organisationnels ou institutionnels, une perte de temps et une source de confusion. Pourquoi tenter de partager une intention quand les éléments qui concourent à la prise de décision sont à la fois complexes et multiples. Tout le monde n’a pas une capacité d’appréhension globale et de synthèse. Et quelle utopie que la seule idée d’intelligence collective ! Ce n’est qu’une prime au nivellement par le bas, puisqu’il conviendrait de prendre en compte tous les avis, même les moins éclairés ! Pourquoi ne pas alors parler d’intelligence des foules, voire même d’imaginer une science qu’on pourrait nommer « foulologie » ? Le succès de tous est dans l’exécution précise et rigoureuse, pas dans la philosophie.
Car l’animation d’un collectif ne peut reposer que dans le chef qui y insuffle son âme. Nul besoin pour lui de l’expliciter et encore moins d’accepter les croyances relatives à une animation collective, qui promeuvent un relativisme égalisateur, au nom de la diversité des talents. Diversité, sans doute, mais au sein d’une hiérarchie !
Recrutez des soutiens fiables
Si le chef est par nature seul, il ne doit pas s’isoler, faute de s’épuiser. Il doit pouvoir compter sur des soutiens fiables et fidèles. Ne vous entourez que de personnalités qui savent ce qu’elles vous doivent, et qui vous soutiennent parce qu’elles dépendent de vous. Écartez les tièdes, les hésitants, les divergents. Et soyez sans pitié pour les critiques, qui sont autant d’opposants, si ce n’est aujourd’hui, en tous cas demain.
Toute organisation humaine ne repose que sur le principe classique de la carotte et du bâton. N’hésitez pas non plus à clairement répartir les rôles, de façon à garantir la lisibilité par tous : à chacun son périmètre clair et non équivoque, pour éviter toute interaction inutile. L’organisation de zones de recouvrement ne doit répondre qu’à un objectif : le traitement des oppositions résiduelles, par division des forces en présence. Car ces espaces de confrontations ne peuvent générer que des conflits, qui ne se résoudront que par votre intervention, perçue à juste titre comme providentielle.
Soyez rationnels, libérez-vous des émotions
Enfin, témoignez de la modernité de la tradition cartésienne, utile et certaine. Ceux qui prônent la prise en compte des émotions portent la contestation de la connaissance pure et du raisonnement parfait. Quel besoin de prendre en compte les incertitudes et interrogations dues aux émotions quand celles-ci ne sont que l’expression de vagues chimiques qui perturbent la raison pure ? Ce qui distingue l’homme de la bête est le raisonnement, pas question d’y renoncer au prétexte d’approches dites holistes qui nient le développement de l’intelligence conceptuelle, au fil des siècles.
Face à la complexité du monde, la responsabilité du chef est d’imposer un référentiel qui mette, ou remette de l’ordre, et dans lequel chacun trouve sa place, telle une efficace fourmi, forte du collectif auquel elle appartient.
La science moderne et le développement des technologies les plus récentes, comme l’ordre des nations, reposent sur cet ordre imaginé, défini et décliné, porté par un leadership rigoureux et brillant, sans faille ni faiblesse, sans hésitation ni doute.
Et plus que de dynamiques humaines, les entreprises et les nations ont besoin d’organisations claires, lisibles, stables.
Comment pourrait-on penser différemment ? Penser ?...
Post-scriptum : si vous avez pris au premier degré tout ce qui précède (et je m'en effraierais car cela signifierait que l'autoritarisme vertical présente encore quelque crédibilité), je me dois de vous préciser (rapidement) les convictions suivantes :
- Il n'y a pas de "chef", mais seulement de multiples formes de leadership, adaptées aux caractères et surtout aux circonstances
- Dans un contexte complexe et incertain, il est inutile et inefficace de planifier les moindres détails. Préférez ce qu'on appelle les "min specs" : les spécifications minimales. Développez vos compétences collectives, et votre capacité à affronter ensemble l'incertain
- Partagez votre objectif, donnez du sens à vos projets. Et lisez l'excellent livre de Mehdi Moussaïd (aussi sur YouTube), qui vous donnera de belles illustrations du pouvoir des foules - et vous initiera à la foulologie :-)
- Ne vous entourez pas d'affidés mais d'alliés : des individus qui s'engagent, y compris en critiquant votre projet, car ces critiques visent à l'améliorer.
- Et acceptez les émotions, car elles sont une aide précieuse à la juste décision, qu'elle soit individuelle ou collective.
- Les entreprises et les nations ont besoin avant tout d'énergie, d'engagement et de dynamiques vertueuses. Pas d'organisations par nature, in fine, bureaucratiques.