Plus que la performance...
Publié le 18 Mars 2013
Ce week-end encore, une participation à un trail... l'Eco-Trail de Paris, qui proposait plusieurs distances.
Cette année, j'ai choisi le 50 km.
Tout au long de ce parcours - enfin, quand il me restait encore un peu de lucidité, pour rejoindre l'arrivée -, je me suis surpris à me demander ce qui motive ces centaines de concurrents à dépasser leurs limites...
Et plus encore que l'épreuve elle-même, ce qui me frappe, plus généralement, est l'augmentation des distances proposées.
Il y a quelques années, les marathoniens étaient une poignée. Il s'agit désormais d'épreuves sélectives, qui rassemblent des dizaines de milliers de concurrents, pour les courses les plus connues, dans toutes les capitales du monde.
Les trails semblent vouloir conserver un état d'esprit particulier, puisqu'ils se déroulent en pleine nature le plus souvent, et compliquent les comparaisons de résultats, tant les aléas climatiques ont un impact sur le déroulement de l'épreuve.
Mais si les marathons vont au gigantisme de la participation - et à l'intervention de professionnels de l'événementiel sportif - la tendance des trails semble être à l'augmentation des distances : on voit désormais fleurir les ultra-trails... des épreuves qui dépassent les 100 km..., et ceci de jour comme de nuit, et loin de l'asphalte des grandes villes.
Le mois dernier, en courant le Défi Glazig, j'écoutais un podcast - il faut bien se donner un peu de distraction tout au long des heures de course... - qui évoquait précisément cette tendance.
L'interviewé - je n'ai pas eu la présence d'esprit (ou surtout la disponibilité) de noter son nom - attribuait cet accroissement des distances au consumérisme actuel - qui pousserait chacun à vouloir plus, plus vite, plus fort, et au besoin avec des stimulants.
Il me faudrait réécouter ses arguments pour y répondre précisément. Mais je n'y souscris pas totalement, spontanément.
Quand je regarde mes compères de course - et il y en a toujours beaucoup plus devant que derrière -, les idées suivantes me viennent à l'esprit de façon récurrente :
- beaucoup sont mus par l'esprit de compétition, et la tranche d'âge de ces garçons et filles (même si le gros du peloton est plutôt masculin) est aussi celle de l'âge des "challenges" dans les entreprises : les 30-35 ans, qui veulent marquer leur territoire, faire leurs preuves... Mais ce n'est pas la motivation principale, et beaucoup d'exemples démontrent que l'objectif n'est pas, pour la grande majorité, d'arriver en tête;
- la France dispose encore de ressources de résilience. En cas de crise majeure, je me prends à espérer que cette belle énergie pourrait être mise à disposition - et se mettrait spontanément à disposition - des nécessités de sauvegarde et de solidarité - la vraie, pas celle des allocs';
- et puis je pense à ces dizaines de manuels de consultants et de "sociologues" qui dépeignent une France déprimée, des "élites" fatiguées, des "managers" démotivés... Je ne sais si c'est une forme de pessimisme, ou un argument commercial. Mais en tous cas, je me dis qu'ils devraient venir faire un tour dehors, sur les falaises des Côtes d'Armor, dans les bois de l'Ouest parisien, et sur tous les formidables terrains de jeu offerts à l'expression des volontés individuelles, et du plaisir de se retrouver pour partager un défi - car dans ce cas comme dans d'autres, on passe beaucoup de temps à se raconter les épreuves précédentes, et envisager les prochaines.
Cette énergie, on ne la retrouve pas seulement dans les épreuves sportives. Elle est présente dans la vie professionnelle, dès lors qu'on se donne la peine de regarder, d'écouter, et de construire ensemble une dynamique collective, avec ses champions, ses contributeurs, ses participants... et puis aussi, ses soutiens, ses bénévoles. Car tout autour de chacune de ces courses, se déploient des dizaines de bonnes volontés sans qui, rien de tout cela ne se ferait. Et c'est un signe de plus que le "mercantilisme" est sans doute aussi un oripeau agité par certains, faute d'avoir de meilleure idée.